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[ ARMURE ]
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pures au-dessous des genoux, lesquels sont protégés par des genouillères d’acier maintenues par des courroies bouclées par derrière. Les jambes et les pieds sont enfermés dans des chausses de mailles. Un camail de mailles, attaché à une cervelière d’acier, couvre les épaules par-dessus la surcotte, dont nous donnons (fig. 32) la face antérieure développée.

Cette surcotte est une sorte de dalmatique, c’est-à-dire qu’elle se compose de deux parties exactement semblables réunies seulement aux épaules. Au-dessous des aisselles, ces deux parties se joignent à droite et à gauche par trois boutons a, et de a en b l’étoffe est laissée libre. On remarquera que l’échancrure du bras droit c est plus profonde que celle du bras gauche, afin de laisser à ce bras droit toute sa liberté de mouvements. Nous avons figuré sur le devant de la surcotte les trois chaînes qui passent par les deux ouvertures. Ces chaînes étaient nécessairement attachées derrière le cou sous le camail. La tête du personnage repose sur un heaume d’un beau caractère (voyez Heaume), que l’on mettait au moment du combat, par-dessus la cervelière d’acier.

Laissant de côté l’admirable exécution de cette œuvre de sculpture, cet habillement est loin d’avoir la grâce et l’élégance de nos armures françaises. Les armures allemandes de la même époque sont encore plus lourdes et chargées ; cependant elles sont remarquables par leur caractère pratique. Les hommes d’armes d’outre-Rhin, notamment de la Bavière, cherchaient à se garantir de l’effet des armes offensives qui se perfectionnaient chaque jour, par une accumulation de précautions, une superfétation de vêtements défensifs, et surtout par des plastronnages de plus en plus épais, ce qui leur donnait une apparence lourde et gênait beaucoup leurs mouvements. En France, au contraire, tout en cherchant à rendre les armures plus résistantes, on faisait des efforts de plus en plus marqués pour dégager les mouvements de l’homme d’armes. C’est en France que les armures de plates se développent tout d’abord, pour couvrir les membres, auxquels il était important de laisser leur souplesse. Sous le roi Jean, on voit s’opérer une transition, et cependant on trouve encore des adoubements français équivalant à celui du landgrave d’Alsace, vers la fin du règne de Philippe de Valois. Nous en avons la preuve dans un précieux manuscrit de la Bibliothèque nationale[1]. Une des vignettes que nous reproduisons

  1. Français, le Livre des échecs de Jehan de Vignay, partie intitulée : De l’estat de la forme des chevaliers et de l’ordre de chevalerie.