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[ CHASSE ]
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cendu dans un sarcophage de pierre placé sous la petite église de Saint-Maurice. Sainte Clotilde fait rebâtir sur ce tombeau une église plus grande avec une vaste crypte, et la dédie à saint Germain. Un des successeurs de Clovis fait surmonter le tombeau du saint d’un dais recouvert d’or et d’argent. En 841, le tombeau est ouvert en présence de Charles le Chauve, et le corps est placé dans un nouveau tombeau. Lothaire, fils de ce prince et abbé de Saint-Germain, fait faire peu après une châsse magnifique, couverte d’or et de pierreries, pour y renfermer le corps du saint. Vers la fin du IXe siècle, la crainte qu’inspiraient les Normands fit songer à cacher cette chasse somptueuse, et probablement les reliques de Saint-Germain, qui jusqu’alors étaient restées dans le sépulcre donné par Charles le Chauve, y furent renfermées. On augmenta, pour ce faire, la profondeur du caveau ; on y descendit la châsse, et on la mit dans le premier sépulcre de pierre où le saint avait reposé ; lorsqu’on eut bien maçonné le couvercle de ce tombeau, de manière à faire disparaître toute trace de sépulcre, on plaça par-dessus un autre sépulcre de pierre dans lequel on déposa les morceaux du cercueil de cyprès qui avait servi à la translation du corps de Ravenne à Auxerre. A la fin du XIe siècle, la chasse due à Lothaire est exposée aux yeux du peuple.

Quel que soit le plus ou moins d’exactitude de ces récits, toujours est-il que le corps de saint Germain, déposé d’abord dans un cercueil de pierre, en est extrait pour être mis dans un coffre, une châsse transportable. Cet usage fut cause que la plupart des corps-saints trouvés entiers dans leurs cercueils, entourés, comme celui de saint Germain, des suaires et vêtements primitifs, une fois déposés dans des châsses que l’on pouvait facilement transporter et ouvrir, furent en grande partie dispersés, divisés en une quantité innombrable de reliques. Ce fut la première et la plus grave atteinte portée au respect que l’on avait pour les restes de ces défenseurs de la foi chrétienne.

Jusqu’au XIIIe siècle cependant, on conserva aux châsses l’aspect de coffres, de cercueils qu’elles avaient eu dans l’origine. À cette époque, beaucoup de ces anciennes châsses de bois, revêtues de cuivre ou d’argent doré, faites pour soustraire les corps-saints au pillage des Normands, existaient encore ; on semblait hésiter à détruire ces enveloppes que les fidèles étaient habitués à vénérer, surtout lorsqu’elles protégeaient les restes de personnages aussi populaires que saint Germain, saint Martin, saint Denis, saint Firmin, saint Marcel, sainte Geneviève, etc.