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assez doucement. Quelle que fut la naïveté de leur structure, il est certain que les voitures des XIIIe et XIVe siècles étaient fort richement décorées.

« Biaus fu li chars à quatre roës,
« D’or et de pelles estelés.
« En leu de chevaux atelés
« Ot es limons huit colombiaus
« Pris en son colombier moult biaus ;
« … » [1]

Au XIVe siècle, Eustache Deschamps, dans son Mirouer de mariage, énumérant toutes les charges qui incombent au mari pour le mesnage soustenir avec les pompes et grans bobans des femmes, fait dire à l’une d’elles :

« Et si me fault bien, s’il vous plest,
« Quant je chevaucheray par rue,
« Que j’aie ou cloque[2] ou sambue[3]
« Haquenée belle et amblant,
« Et selle de riche semblant,
« A las et à pendans de soye ;
« Et se chevauchier ne povoye,
« Quant li temps est frès comme burre,
« Il me fauldroit avoir un curre (char)
« A cheannes, bien ordonné,
« Dedenz et dehors painturé,
« Couvert de drap de camocas (camelot).
« Je voy bien femmes d’avocas,
« De poures bourgois de villaige
« Qui l’ont bien ; pour quoy ne l’arai-ge,
« A quatre roncins atelé ? »[4]

Il fallait donc à une femme de qualité, au XIVe siècle, pour voyager, une haquenée, et un char attelé lorsque le temps était mauvais : les petites bourgeoises en usaient bien de la sorte !

Ces chars étaient généralement d’une assez grande dimension pour contenir une dizaine de personnes. La couverture était fixée sur une armature de bois et percée de trous latéraux fermés par des rideaux

  1. Le Roman de la Rose, descrip. du char de Vénus. Édit. de M. Méon (Paris, 1814),
    t. 111, p. 83.
  2. Manteau.
  3. Capote pour monter à cheval.
  4. Poésies morales et hist. d’Eust. Deschamps, édit. Crapelet, un vol. Paris, 1832
    p. 207.