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dalles découpées et des rayons étrésillonnants. Ces ensembles formaient ainsi une armature rigide, n’offrant aucune élasticité. Ce système s’accordait parfaitement avec la nature des matériaux donnés à cette province. Mais en Champagne, on ne possédait pas ce beau cliquart du bassin de Paris ; les matériaux calcaires dont on disposait, étaient d’une résistance relativement moindre, et ne pouvaient s’extraire en larges et longs morceaux. Il fallait bâtir par assises ou par claveaux. Ces pierres ne pouvaient s’employer en délit comme le liais ou le cliquart. Aussi les architectes de la cathédrale de Reims adoptèrent-ils d’autres méthodes. Ils construisirent les réseaux des roses comme les meneaux des fenêtres, par superposition de claveaux et embrèvement des compartiments dans des cercles épais, clavés comme des arcs de voûtes. Telles sont faites les deux roses nord et sud du transsept de cette cathédrale, qui datent de 1230 environ. La rose n’est plus fermée par un formeret plein cintre, comme à Paris, mais s’inscrit dans un arc brisé, projection des arcs-doubleaux de la grande voûte ; si bien qu’au-dessus du cercle propre de la rose, il reste un écoinçon vide (voy. fig. 2, le tracé B). La rose de la façade occidentale de cette cathédrale, élevée plus tard, c’est-à-dire vers 1250, est construite d’après la même donnée. Le cercle principal est un épais cintre composé de claveaux, dans lequel s’embrèvent les compartiments. Ces roses étant parfaitement gravées, avec tous leurs détails, dans l’ouvrage publié par M. Gailhabaud[1], il nous paraît inutile de les reproduire ici. Les cercles principaux des roses du transsept n’ont pas moins de 1m,60 d’épaisseur, et constituent de véritables arcs construits par claveaux. Quant aux compartiments intérieurs, formant les châssis vitrés, ils n’ont que 0m,24 d’épaisseur, non compris la saillie des bases et chapiteaux des colonnettes. Les panneaux des vitraux sont attachés au parement intérieur du réseau, comme à la rose de la façade occidentale de Notre-Dame de Paris.

La rose occidentale de la cathédrale de Reims se rapproche davantage du système de l’Île-de-France, mais le grand cercle clavé n’en existe pas moins, et a 2m,18 d’épaisseur, ce qui en fait un membre d’architecture d’une grande force. Pour le réseau, son épaisseur est de 0m,82. Ses panneaux de vitraux sont pris en feuillure. Mais nous avons fait ressortir ailleurs (voy. Cathédrale) la puissance extraordinaire des moyens employés par les architectes de Notre-Dame de Reims. Aussi bien ces grandes claires-voies, déjà si légères à Paris, au commencement du XIIIe siècle, sont à Notre-Dame de Reims des constructions inébranlables, épaisses et reposant non plus sur des sections de 0m,06 à 0m,10 superficiels, mais de 0m,20 à 0m,25. Cependant, dès les dernières années du XIIIe siècle, ces architectes champenois avaient atteint et même dépassé la limite de la légèreté donnée aux réseaux des claires-voies dans l’Île-de-France. C’est qu’alors ces architectes avaient su trouver des matériaux très-fins

  1. L’architecture du Ve au XVIe siècle, et les arts qui en dépendent. Gide édit., t. I.