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lement affectés aux vêtements du Christ et de la Vierge à dater du XIIIe siècle, mais à cette règle même on trouve de nombreuses exceptions. Dans la liturgie cependant on admettait, soit pour les voiles, les parements des autels, soit pour les vêtements sacerdotaux, certaines couleurs symboliques dont l’antiquité orientale fournit la signification. Les artistes imagiers ne semblent pas avoir été tenus d’observer ces règles dans les représentations qui leur étaient demandées. Il n’en est pas de même pour les ornements peints ou dorés qui enrichissent les vêtements des statues. Ces ornements ont presque toujours un sens symbolique. C’est ainsi que sur le manteau ou la robe de la Vierge, on voit figurés le lion de Juda, la fleur de lis ; sur le vêtement du Christ, des croix ; sur la robe de saint Jean l’évangéliste, des aiglettes. Les armoiries elles-mêmes peuvent être considérées comme des figures symboliques, et l’importance qu’elles avaient prise dès le XIIIe siècle indique combien le goût pour le symbolisme avait pénétré la société du moyen âge.

SYMÉTRIE, s. f. Mot grec (συμμετρία) francisé, et dont on a changé quelque peu la signification depuis le XVIe siècle. Symétrie, ou plutôt symmétrie, pour adopter l’orthographe des auteurs des XVe et XVIe siècles, qui était la bonne, signifiait : justes rapports entre les mesures, harmonie, pondération, rapports modérés, calculés en vue d’un résultat satisfaisant pour l’esprit ou pour les yeux. Le mot symétrie ayant été appliqué à l’architecture, on ne s’explique pas pourquoi le mot eurhythmie (εύρυθμία), qui veut dire « bon rhythme » ou « beau rhythme », ne l’a pas été aussi, car il vaut mieux que le mot latin proportio, ou plutôt proportione, qui est vague et n’a point une signification en rapport avec l’art de l’architecture. Nous n’avons point ici à discuter sur la valeur des mots. Ceux-ci cependant, à l’origine, exprimaient un ordre d’idées définies ; cet ordre a été modifié profondément, il est donc utile de se rendre un compte exact de l’idée qu’on attachait au mot primitif symétrie, pour reconnaître le sens dévié qu’on lui prête aujourd’hui. Si l’idée n’est plus en rapport avec le mot, il s’ensuit évidemment, ou que l’idée est fausse, ou que le mot est impropre. Symétrie veut dire aujourd’hui, dans le langage des architectes, non pas une pondération, un rapport harmonieux des parties d’un tout, mais une similitude de parties opposées, la reproduction exacte, à la gauche d’un axe, de ce qui est à droite. Il faut rendre cette justice aux Grecs, auteurs du mot symétrie, qu’ils ne lui ont jamais prêté un sens aussi plat. Voici la définition de Vitruve[1] : « Quant à la symétrie, c’est

  1. «… Item symmetria est ex ipsius operis membris conveniens consensus, ex partibusque separatis, ad universæ figuræ speciem, ratæ partis responsus : ut in hominis corpore è cubito, pede, palmo, digito, cæterisque partibus symmetros est, sic est in operum perfectionibus. Et primùm ædibus sacris, ut è columnarum crassitudinibus, aut è triglypho, aut etiam embate balistæ foramine. Quod Græci πειτρητον vocitant, navibus interscalmio, quod διπηχαϊκή dicitur, item cæterorum operum, è membris invenitur symmetriarum ratiocinatio. » (Lib. I, cap. ii.)