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que bruit ou son. » En effet, dans une des caves voisines des remparts, Louis Juvénal des Ursins entend le travail des mineurs ; il s’arme d’une hache et se dirige vers l’endroit où il suppose que vont déboucher ces mineurs. « Louys où vas-tu ? » lui demande Barbazan. « À l’encontre des mineurs. — Frère, tu ne sçais pas encore bien ce que c’est que de mines, et d’y combattre, baille-moy ta hache. Et luy fit la-dessus coupper le manche assez court, car les mines se tournent souvent en biaisant, et sont estroites, voila pourquoy de courts bastons y sont plus nécessaires ; luy-même y vint avec autres chevaliers, et escuyers, lesquels apperceurent que les mines de leurs ennemis estoient prestes, pour ce on fit hastivement faire manières de barrières, et autres habillemens et instrumens pour résister à l’entrée ; et pour ce que ledit seigneur vid la volonté dudit Louys, il voulut qu’il fut le premier à faire armes en ladite mine : ceux de dedans mesmes envoyèrent quérir manouvriers pour contreminer, lesquels avoient torches et lanternes, aussi avoient les autres. Quand ceux du dedans eurent contreminé environ deux toises, il leur sembla qu’ils estoient près des autres : si furent faites barrières bonnes et fortes, et les attachèrent : pareillement les autres apperceurent qu’on contreminoit, et tant qu’ils se trouvèrent et rencontrèrent l’un l’autre, lors les compagnons manouvriers se retirèrent d’un côté et d’autre. »

Une succession de combats singuliers se livrent au débouché de la mine. Une barre est posée en travers, et les hommes d’armes se défient et combattent à l’arme blanche de chaque côté de la barre. Le roi d’Angleterre et les principaux seigneurs viennent assister à cette sorte de joute, donnent des éloges aux vainqueurs et en font plusieurs chevaliers. « Et (le roi d’Angleterre) louoit la vaillance de ceux de dedans, lesquels s’ils eussent eu vivres, jamais on ne les eust eu, ny ne se fussent rendus. »

Ces joutes au fond d’une galerie de mine ne sont point de la guerre, et ce curieux épisode fait comprendre comment, pour la noblesse féodale, l’affaire n’était pas tant de délivrer le royaume de la domination étrangère que d’acquérir le renom de braves chevaliers et de prendre part à de belles « appertises d’armes ». Assiégeants et assiégés se connaissent, vivent ensemble après le combat. Quand fut rendue la ville de Melun, plusieurs des défenseurs se sauvèrent, « à aucuns on faisoit voye, les autres avoient amis et accointances du costé des Bourguignons… Or combien qu’ils s’attendoient de s’en aller simplement un baston en leur poing » qui furent jetés dans des culs de basse-fosse à la bastille Saint-Antoine et au Châtelet. Ceux-là n’avaient point d’amis dans le camp des assiégeants, mais ils s’étaient bravement battus pour le parti du dauphin qui les abandonnait.

Pendant cette triste période, la guerre de sièges n’existe pas pour les Français. Tout se résout en joutes et en marchés honteux. Des seigneurs prennent parti, tantôt pour le duc de Bourgogne, tantôt pour le dau-