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cement du siège, n’avaient fait sur la rive droite aucun établissement. Tout le camp, par divisions, suivant les chefs principaux : Bohémond ; Robert, comte de Normandie ; Hugues le Grand ; Raymond, comte de Toulouse ; Godefroy, Baudouin, Renaud, Conon de Montaigu, etc., n’occupait que la rive gauche. Pendant les premières opérations du siège, les soldats de l’armée des croisés traversaient souvent le fleuve à la nage pour aller fourrager sur la rive droite, plus fertile que la rive gauche ; les assiégés ne laissaient pas échapper ces occasions de sortir par la porte du Pont et d’enlever ces partis. Aussi les princes résolurent d’établir sur le fleuve un pont de bois. On prit tous les bateaux qu’on put trouver, soit sur le fleuve, soit sur le lac situé en amont de la ville ; on les relia avec des poutres, et l’on établit sur cette charpenterie un tablier de claies d’osier. Ce pont de bateaux fut jeté à un mille en amont du pont de pierre qui touchait à la porte de la ville. Le quartier des assiégeants qui gardait le pont de bateaux, et qui serrait la place de la porte du Chien à la porte du Duc, était sans cesse exposé aux sorties des assiégeants, qui se répandaient sur la chaussée du marais, et se trouvait ainsi dans une position fâcheuse, adossé au fleuve et ayant sur ses flancs deux issues par lesquelles les assiégés pouvaient l’attaquer. On essaya d’abord de détruire le pont de pierre, mais on ne put y parvenir. Puis on établit un beffroi en charpente, que l’on roula devant ce pont pour le commander ; mais les gens de la ville parvinrent à l’incendier. On dressa trois pierrières qui lançaient des pierres contre la porte du Pont. Mais dès que ces machines cessaient de manœuvrer, les habitants sortaient aussitôt et causaient des pertes à l’armée. Les princes prirent alors le parti de barricader ce pont de pierre avec des rochers et des arbres. Ce dernier moyen réussit en partie ; et, de ce côté, les assiégés ne tentèrent plus des sorties aussi fréquentes. De fait, les croisés étaient autant assiégés qu’assiégeants, ayant chaque jour à se défendre contre les sorties des gens d’Antioche, qui attaquaient leurs ouvrages, détruisaient leurs machines et leurs palissades. Le temps s’écoulait, les fourrages et les vivres devenaient rares, et les maladies décimaient l’armée des croisés. Ceux-ci qui, en arrivant devant Antioche, possédaient encore soixante et dix mille chevaux, n’en avaient plus que deux mille, au plus, trois mois après le premier investissement. La saison des pluies rendait les chemins impraticables ; on était dans l’eau tout le jour, et le sol détrempé n’offrait sur aucun point un refuge contre l’humidité. Cette situation critique fut aggravée encore par l’attaque d’un corps considérable de troupes sorties d’Alep, de Césarée, de Damas, d’Émèse, d’Hiérapolis, auquel s’étaient joints des Arabes nomades. Les croisés, par une manœuvre habile, se portent au-devant de cette armée, ne lui laissent pas le temps de se mettre en communication avec la ville, la battent, lui tuent deux mille hommes, brûlent son camp de Harenc, et lui enlèvent mille chevaux, dont on avait grand besoin. Revenus le lendemain matin devant Antioche, deux cents têtes des Turcs tués pendant le combat sont jetées dans la