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exemple, de compléter un édifice en partie ruiné ; avant de commencer, faut-il tout fouiller, tout examiner, réunir les moindres fragments en ayant le soin de constater le point où ils ont été découverts, et ne se mettre à l’œuvre que quand tous ces débris ont trouvé logiquement leur destination et leur place, comme les morceaux d’un jeu de patience. Faute de ces soins, on se prépare les plus fâcheuses déceptions, et tel fragment que vous découvrez après une restauration achevée, démontre clairement que vous vous êtes trompé. Sur ces fragments que l’on ramasse dans des fouilles, il faut examiner les lits de pose, les joints, la taille ; car il est telle ciselure qui n’a pu être faite que pour produire un certain effet à une certaine hauteur. Il n’est pas jusqu’à la manière dont ces fragments se sont comportés en tombant, qui ne soit souvent une indication de la place qu’ils occupaient. L’architecte, dans ces cas périlleux de reconstruction de parties d’édifices démolis, doit donc être présent lors des fouilles et les confier à des terrassiers intelligents. En remontant les constructions nouvelles, il doit, autant que faire se peut, replacer ces débris anciens, fussent-ils altérés : c’est une garantie qu’il donne et de la sincérité et de l’exactitude de ses recherches.

Nous en avons assez dit pour faire comprendre les difficultés que rencontre l’architecte chargé d’une restauration, s’il prend ses fonctions au sérieux, et s’il veut non-seulement paraître sincère, mais achever son œuvre avec la conscience de n’avoir rien abandonné au hasard et de n’avoir jamais cherché à se tromper lui-même.

RETABLE, s. m. Nous expliquons, à l’article Autel, comment les retables n’existaient pas sur les autels de la primitive Église. Thiers[1], auquel il est toujours utile de recourir lorsqu’il s’agit de l’ancienne liturgie, s’exprime ainsi à propos des retables : « Les anciens autels qui avoient pour caractère particulier la simplicité, étoient disposés de telle sorte que les évêques ou les prestres qui y célébroient les mystères divins, et les personnes qui étoient derrière, se pouvoient voir les uns les autres. En voici deux raisons qui me paroissent dignes de considération.

« La première est prise des siéges ou throsnes épiscopaux… Ces siéges étoient placés derrière les autels et afin que les prélats s’y pussent asseoir, et afin qu’y étant assis, ils eussent en vuë leur clergé et leur peuple… et qu’ils fussent eux-mêmes en vuë à leur clergé et à leur peuple. Ainsi, où il y avoit des siéges épiscopaux, il n’y avoit point de retables ; il y avoit des siéges épiscopaux au moins dans toutes les églises cathédrales…

« La seconde raison est tirée de l’ancienne cérémonie pour laquelle, aux messes solennelles, le sous-diacre, après l’oblation, se retiroit der-

  1. J. B. Thiers, Dissertation ecclésiastique sur les principaux autels des églises, 1688, p. 181.