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[serrurerie]
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soit pour fermer. La torsion du fer carré de la lige t donne à celle-ci le roide nécessaire pour qu’elle ne ploie pas, si elle est longue, lorsqu’il s’agit de la pousser de bas en haut pour ouvrir le verrou. À coup sûr, tout cela n’est pas de la mécanique bien avancée, mais c’est ingénieux, solide, apparent, facile à réparer, et pouvant être exécuté par le premier forgeron venu.

On ne saurait trop regretter la disparition journalière de tous ces objets de serrurerie du moyen âge dans nos anciens édifices civils, religieux ou militaires. On en trouvait encore beaucoup il y a vingt et trente ans ; ils sont aujourd’hui devenus très-rares. Usés, hors de service, attachés à des bois vermoulus, on les jette à la ferraille habituellement, lorsqu’on fait des réparations. Il eût été cependant intéressant et utile de recueillir ces objets dans un musée, qui serait très-riche maintenant et fort instructif pour nos artisans de ferronnerie. Mais nous n’en sommes pas arrivés à considérer les musées comme des collections d’une utilité réelle pour notre industrie, ce ne sont encore en France que des amas d’objets destinés à satisfaire la curiosité des amateurs ou des archéologues, ou encore des lieux d’étude pour les artistes, peintres et statuaires. L’art ne vit cependant chez un peuple que quand il a pénétré partout, quand on le trouve aussi bien sur la cheminée d’un grand seigneur que sur la table de cuisine de l’ouvrier, sur le marteau de la porte d’un palais que sur la targette de l’humble croisée du petit bourgeois, sur la poignée de l’épée du général que sur la plaque de ceinturon du soldat. Si vulgaires que soient les objets de serrurerie du moyen âge, l’art approprié à la matière, y trouve sa place ; l’art était un besoin pour tous, non une affaire de luxe réservée pour quelques privilégiés. Ce qu’on ne trouvait point alors, c’est l’art de pacotille, l’apparence du luxe donnée à un objet de peu de valeur.

Nous avons montré un certain nombre d’exemples de fermetures de vantaux de portes. Les exemples de fermetures de croisées sont beaucoup plus rares ; cette menuiserie, plus légère que celle des vantaux, plus exposée aux intempéries, a été détruite plus rapidement. Il nous faudra fouiller dans les vieilles ferrailles pour trouver quelques restes de fermetures de croisées. L’intérêt qui nous a toujours paru s’attacher à l’ancienne fabrication du fer, alors même qu’on vendait partout les plus belles ferronneries forgées, pour leur substituer des fontes d’un si triste goût, nous a poussé, il y a déjà longtemps, à recueillir bon nombre de dessins de ces vieilles ferrures si fort méprisées, ferrures qui ont disparu sous la main de la plupart des restaurateurs de châteaux depuis trente ans. C’est ainsi qu’au château de Chastellux, près de Carré-les-Tombes (Yonne), on voyait encore en 1839 des châssis de croisées du XIVe siècle armés de leurs grands verrous. Il est vrai que ces ferrures étaient hors de service, les châssis étant complètement pourris et doublés par des volets fixes, mais les pièces de leur mécanisme très-simple étaient toutes conservées. Ces verrous… plutôt ces crémones (fig. 35), consistaient en une tige de