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[serrurerie]
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d’une double rondelle, l’une sur le bois, l’autre sous la tête du boulon, tombe dans son mentonnet B, si l’on pousse le vantail, en glissant sur le plan incliné de ce mentonnet. Un support C, rivé à la platine, muni d’un double œil, reçoit le pouçoir D. À l’extérieur, un autre pouçoir E, figuré en E′, passe à travers le vantail, et vient poser son pied-de-biche sous le fléau, à côté de celui de l’intérieur. Du dehors il suffit d’appuyer sur le pouçoir E et de pousser la porte, pour l’ouvrir ; mais à l’intérieur, comme il faut tirer le vantail à soi, le support C permet de passer l’index entre lui et la platine, d’appuyer le pouce sur le pouçoir D, et de tirer la porte en même temps que l’on fait lever le fléau. La platine est découpée de façon à composer une ornementation qui s’accorde avec la place des clous. En G, nous donnons deux autres formes de pouçoirs, et en H, deux pouçoirs qui, au lieu d’être posés l’un à côté de l’autre, agissent, celui du dehors sous le pied-de-biche de celui du dedans.

Quoique presque toute la quincaillerie ancienne ait été détruite, il nous en reste encore des exemples assez nombreux pour faire connaître avec quel soin relatif elle était, traitée même dans les bâtisses les plus ordinaires. Des serrures, des poignées, des loquets que l’on découvre encore attachés à de vieilles portes de maisons, d’hôtels et d’églises du moyen âge, dévoilent une industrie pleine de ressources. La variété des formes de ces objets est assez grande pour qu’il nous soit impossible de présenter à nos lecteurs un spécimen de chacun d’eux ; nous devons nous borner aux plus essentiels. Peut-être même pensera-t-on que nous nous étendons trop sur ces ouvrages de serrurerie fine ; mais on est si disposé à croire à l’imperfection grossière des industries du moyen âge, qu’il nous a paru nécessaire d’en montrer les produits, non point destinés à des monuments luxueux, mais à des habitations ordinaires. L’industrie de la quincaillerie était très-développée déjà en France au XIVe siècle, mais aussi en Suisse, en Bavière, en Bohême, sur les bords du Rhin, tandis qu’à cette époque elle était encore restée barbare en Italie. Ce ne fut que vers le milieu du XVe siècle que les villes italiennes se mirent à leur tour à fabriquer des objets de fer d’une grande finesse d’exécution et d’une assez bonne composition. Il faut dire cependant que jamais, dans la Péninsule, cette belle industrie ne sut allier l’art à la nécessité, au besoin, comme surent le faire les artisans de France. Les formes de la serrurerie fine d’Italie, très-heureuses souvent, ont le défaut de ne s’accorder nullement avec l’objet. Pour notre part, dans tout ce qui touche à l’art de l’architecture, nous pensons qu’une exécution séduisante seule, si le raisonnement n’est pas intervenu, si la concordance entre la forme et le besoin tracé fait défaut, ne saurait constituer une œuvre complète. Nous avons pour nous les Grecs de l’antiquité ; tous les objets qu’ils nous ont laissés sont profondément pénétrés de ce double caractère : une expression très-vive et très-juste ; une exécution en rapport avec l’objet et sa destination.

Cette serrure à bosse et à pêle dormant (fig. 30), dont le pallâtre est