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[serrurerie]
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écrit-il dans la note insérée dans l’Encyclopédie, « le corps des pentures et les ornements sont de fer forgé et faits, comme on les ferait aujourd’hui, de divers morceaux soudés tantôt les uns sur les autres, tantôt les uns au bout des autres ; ce qu’il y a de mieux n’est pas même la façon dont ils l’ont été, les endroits où il y a eu des pièces rapportées sont assez visibles à qui l’examine avec attention : on n’a pas pris assez de soin de les réparer, quoique cela fût aisé à faire. »

En effet, les soudures se voient sur bien des points et n’ont pas été réparées au burin ou à la lime, elles n’en sont pas moins très-habilement faites ; mais peut-être Réaumur a-t-il voulu parler de certaines pièces rapportées au XVe siècle pour réparer des dommages, et simplement clouées à côté des fragments anciens ?… « Quoi qu’il en soit », ajoute-t-il, « ces pentures sont certainement un ouvrage qui a demandé un temps très-considérable et qui a été difficile à exécuter. Il n’est pas aisé de concevoir comment on a pu souder ensemble toutes les pièces dont elles sont composées : il y a cependant apparence que toutes celles d’une penture l’ont été avant qu’elle ait été appliquée sur la porte, car on aurait brûlé le bois en chauffant les deux pièces qui devaient être réunies. » (Il faut avouer que cette dernière observation ne manque pas de naïveté.) «…On n’a pas mis non plus une pareille masse à une forge ordinaire ; il paraît nécessaire que dans cette circonstance la forge vint chercher l’ouvrage… On s’est apparemment servi de soufflets portatifs, comme on s’en sert encore aujourd’hui en divers cas ; on a eu soin de rapporter (souder) des cordons, des liens, des fleurons, etc., dans tous les endroits où de petites tiges et des branches menues se réunissaient à une tige ou branche plus considérable.

« Les pièces rapportées (soudées par dessus) cachent les endroits où les autres ont été soudées (bout à bout) : c’est ce qu’on peut observer en plusieurs endroits où les cordons ou fleurons ont été emportés ; ces cordons et fleurons avaient sans doute été rapportés et réparés après avoir été soudés… » Bien que cette appréciation de l’œuvre de ferronnerie qui nous occupe ici soit assez exacte, cependant Réaumur n’avait point évidemment consulté un forgeron. Ces pièces qu’il indique comme rapportées sont soudées, et n’ont pas été étampées après la soudure, mais avant ; leurs embrasses ont été retouchées parfois au burin, mais à chaud.

Du reste, examinons ces pentures en laissant de côté ces appréciations plus ou moins rapprochées de la vérité ; comme nous en avons fait fabriquer d’absolument pareilles[1], nous pouvons en parler avec une connaissance exacte des moyens employés ou à employer.

Naturellement, la première opération consiste à dessiner un carton de la penture qu’on prétend faire forger, grandeur d’exécution ; carton qui sert de patron pour forger et étamper d’abord toutes les brindilles et tiges

  1. Par l’habile serrurier M. Boulanger.