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leur temps, et leur temps les comprenait. C’était là une force, la force qui avait soutenu l’art grec. Si prévenu que l’on soit contre la sculpture du moyen âge, on ne saurait méconnaître son originalité ; cette qualité suffit à lui donner un rang élevé dans l’histoire des arts. À vrai dire, tout art qui manque d’originalité, qui ne vit que d’emprunts, ces emprunts fussent-ils faits aux meilleures sources, ne peut espérer conserver une place dans le cours des siècles ; il est bientôt effacé, et va remplir ces limbes où demeurent dans l’oubli toutes les œuvres qui n’ont possédé qu’une vie factice.

Le moyen âge a très-fréquemment coloré la statuaire et l’ornementation sculptée. C’est encore un point de rapport entre ces arts et ceux de l’antiquité grecque. La statuaire du XIIe siècle est peinte d’une manière conventionnelle. On retrouve, sur les figures de la porte de l’église abbatiale de Vézelay dont nous avons entretenu nos lecteurs, un ton généralement blanc jaunâtre ; tous les détails, les traits du visage, les plis des vêtements, leurs bordures, sont redessinés de traits noirs très-fins et très-adroitement tracés afin d’accuser la forme. Le même procédé est employé à Autun, à Moissac. Derrière les figures, les fonds sont peints en brun rouge ou en jaune d’ocre, parfois avec un semis léger d’ornements blancs. Cette méthode ne pouvait manquer de produire un grand effet. Rarement, dans la première moitié du XIIe siècle, trouve-t-on des statues colorées de divers tons. Quant aux ornements, ils étaient toujours peints de tons clairs, blancs, jaunes, rouges, vert pâle, sur des fonds sombres. C’est vers 1140 que la coloration s’empare de la statuaire, que cette statuaire soit placée à l’extérieur ou à l’intérieur. Les deux statues de Notre-Dame de Corbeil, dont nous avons parlé au commencement de cet article, étaient peintes de tons clairs, mais variés, les bijoux rehaussés d’or. Les statues du portail occidental de Chartres étaient peintes de la même manière. Quelquefois même des gaufrures de pâte de chaux étaient appliquées sur les vêtements, ainsi qu’on peut le constater encore au portail de la cathédrale d’Angers. Ces gaufrures étaient peintes et dorées, et figuraient des étoffes brochées ou des passementeries. Les nus de la statuaire, à cette époque, sont très-peu colorés, presque blancs et redessinés par des traits brun-rouge.

Il va sans dire que la statuaire des monuments funéraires était peinte avec soin, et c’est sur ces ouvrages d’art que l’on peut encore aujourd’hui examiner les moyens de coloration employés. Nous avons vu les statues des Plantagenets, à Fontevrault, entièrement couvertes de leur ancienne peinture avant le transport de ces figures au musée de Versailles.

Le XIIIe siècle ne fit que continuer cette tradition. La statuaire et l’ornementation des portails de Notre-Dame de Paris, des cathédrales de Senlis, d’Amiens, de Reims, des porches latéraux de Notre-Dame de Chartres, étaient peintes et dorées. Et de même que la sculpture, la coloration penchait vers le naturalisme. Toutefois cette peinture ne consistait pas seulement en des tons posés à plat sur les vêtements et les