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ment la tête des arts en France, s’en étaient faits les protecteurs éclairés, et, sous leur patronage, s’élevaient des édifices qui devançaient, suivant une direction plus vraie, le mouvement du XVIe siècle. Témoin l’ancien hôtel de ville d’Orléans, aujourd’hui le musée, bâti en 1442, et auquel on assignerait une date beaucoup plus récente[1]. Cet édifice, dont la façade est due au maître Viart, présente une ornementation charmante, originale, qui n’a plus rien de l’ornementation gothique, mais qui est mieux entendue et surtout d’une composition plus large que celle admise sous François Ier, alors que les arts d’Italie avaient exercé une influence sur nos artistes. Pour en revenir au château de Pierrefonds, qui nous paraît être le point de départ d’une réforme malheureusement interrompue par les guerres et plus tard par l’introduction de l’élément italien, son ornementation prend un caractère particulier. On ne trouve plus là de ces sculptures d’une échelle qui ne tient pas compte de l’architecture. Au contraire, l’échelle de cette ornementation est en rapport parfait avec la destination et la place, claire, facile à saisir, et s’inspirant de la flore sans se soumettre à une imitation absolue. Les beaux rinceaux de feuillages, par exemple, qui entourent les grandes niches des preux, posées à 25 mètres du sol, et qui sont destinées à être vues de fort loin, ont toute l’ampleur que comporte la place. Leur modelé accentué produit un effet très-riche, sans confusion, défaut si commun dans l’ornementation du XVIe siècle. Il y avait donc, dès le commencement du XVe siècle, à côté de la vieille école gothique qui se mourait, un noyau d’artistes préparant une renaissance dans toutes les branches de l’architecture. Malgré les malheurs des temps, cette école se maintenait, et la pratique de l’art, loin de s’abaisser, atteignait au milieu du XVe siècle un haut degré de perfection. L’ornementation des parties de la sainte Chapelle qui datent de Charles VII, ainsi que celle des édifices du temps de Louis XI, est parfois large et bien composée, préférable sous ce rapport à la sculpture de la fin du XIVe siècle, qui pèche par la maigreur et le défaut d’échelle ; toujours cette ornementation est exécutée avec une habileté surprenante. À voir les choses sans prévention, c’est bien plutôt cette école française du XVe siècle qui forme nos artistes de la renaissance que les relations avec l’Italie, comme nous l’expliquons ailleurs[2].

Les écoles laïques qui, dès la fin du XIIe siècle, s’emparèrent de la culture des arts, étaient parties d’un bon principe : solidarité entre les œuvres concourant à un ensemble monumental, et étude réfléchie de la nature. Si ces écoles subirent à certains moments les influences de la mode, ces écarts ne les détournaient pas de cette étude constante. C’était dans leur propre fonds qu’elles puisaient, non dans l’imitation d’arts étrangers à leur essence. Elles ne se faisaient ni grecques, ni romaines, ni byzantines, ni allemandes ; elles suivaient leur voie, elles vivaient dans

  1. Voyez l’Architecture domestique de MM. Verdier et Cattois, t. II, p. 60.
  2. Voyez Architecture.