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admis aux différentes époques de notre art et dans les diverses écoles. Ces procédés de construction ont une valeur relative et ne sont pas tous également bons. Quelques-uns même ont dû être abandonnés parce qu’ils étaient défectueux. Ainsi, par exemple, tel édifice bâti au XIIe siècle, et qui n’avait pas de chéneaux sous les égouts des combles, a dû être restauré au XIIIe siècle et muni de chéneaux avec écoulements combinés. Tout le couronnement est en mauvais état, il s’agit de le refaire en entier. Supprimera-t-on les chéneaux du XIIIe siècle pour rétablir l’ancienne corniche du XIIe, dont on retrouverait d’ailleurs les éléments ? Certes non ; il faudra rétablir la corniche à chéneaux du XIIIe siècle, en lui conservant la forme de cette époque, puisqu’on ne saurait trouver une corniche à chéneaux du XIIe, et qu’en établir une imaginaire, avec la prétention de lui donner le caractère de l’architecture de cette époque, ce serait faire un anachronisme en pierre. Autre exemple : les voûtes d’une nef du XIIe siècle, par suite d’un accident quelconque, ont été détruites en partie et refaites plus tard, non dans leur forme première, mais d’après le mode alors admis. Ces dernières voûtes, à leur tour, menacent ruine ; il faut les reconstruire. Les rétablira-t-on dans leur forme postérieure, ou rétablira-t-on les voûtes primitives ? Oui, parce qu’il n’y a nul avantage à faire autrement, et qu’il y en a un considérable à rendre à l’édifice son unité. Il ne s’agit pas ici, comme dans le cas précédent, de conserver une amélioration apportée à un système défectueux, mais de considérer que la restauration postérieure a été faite suivant la méthode ancienne, qui consistait, dans toute réfection ou restauration d’un édifice, à adopter les formes admises dans le temps présent, que nous procédons d’après un principe opposé, consistant à restaurer chaque édifice dans le style qui lui est propre. Mais ces voûtes d’un caractère étranger aux premières et que l’on doit reconstruire, sont remarquablement belles. Elles ont été l’occasion d’ouvrir des verrières garnies de beaux vitraux, elles ont été combinées de façon à s’arranger avec tout un système de construction extérieure d’une grande valeur. Détruira-t-on tout cela pour se donner la satisfaction de rétablir la nef primitive dans sa pureté ? Mettra-t-on ces verrières en magasin ? Laissera-t-on, sans motif, des contre-forts et arcs-boutants extérieurs qui n’auraient plus rien à supporter ? Non, certes. On le voit donc, les principes absolus en ces matières peuvent conduire à l’absurde.

Il s’agit de reprendre en sous-œuvre les piliers isolés d’une salle, lesquels s’écrasent sous sa charge, parce que les matériaux employés sont trop fragiles et trop bas d’assises. À plusieurs époques, quelques-uns de ces piliers ont été repris, et on leur a donné des sections qui ne sont point celles tracées primitivement. Devrons-nous, en refaisant ces piliers à neuf, copier ces sections variées, et nous en tenir aux hauteurs d’assises anciennes, lesquelles sont trop faibles ? Non ; nous reproduirons pour tous les piliers la section primitive, et nous les élèverons en gros blocs pour prévenir le retour des accidents qui sont la cause de notre opéra-