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émaillé en bleu sur le bronze, avec semis de fleur de lis d’or[1]. Le XIIe siècle avait fabriqué un grand nombre d’objets de bronze servant à la décoration des édifices. Suger parle des grilles de bronze qu’il avait fait fondre pour l’autel des martyrs. On conserve encore au musée de Reims un magnifique fragment d’un grand candélabre de bronze qui était placé dans le sanctuaire de l’église de Saint-Remi, et qui date du milieu du XIIe siècle ; on ne saurait voir de fonte plus pure et une ornementation mieux appropriée à la matière[2]. Enfin, il existe un assez grand nombre de bustes de cuivre ou d’argent repoussé des XIIe, XIIIe et XIVe siècles, servant de reliquaires, qui sont d’un excellent travail ; nos sanctuaires possédaient des autels, des baldaquins en bronze fondu et repoussé, émaillé et doré d’une grande richesse de travail.

Ces objets de bronze étaient habituellement fondus en grandes pièces et à cire perdue. Il fallait bien que ce travail ne sortît pas des procédés ordinaires, car il existait en France une grande quantité de statues tombales ou autres, en bronze, jusqu’à la révolution du dernier siècle. La collection Gaignères d’Oxford en reproduit beaucoup, et les inventaires des églises en signalent de tous côtés. Il est évident que la plupart de ces œuvres de métal, grandes ou petites, étaient fondues à cire perdue, car, outre que le moine Théophile mentionne l’emploi de ce procédé, les monuments existants indiquent que la fonte venait sans bavures, puisqu’on n’en retrouve point de traces, et que le grain de la fonte est égal partout. Si la ciselure intervient, ce n’est que pour donner du vif à des broderies, obtenir des gravures délicates, mais nulle part on ne voit la trace de la lime, de la râpe ou du grattoir. D’ailleurs on sait fort bien que les imagiers du moyen âge avaient pris l’habitude de façonner des figures de cire de grandeur naturelle, puisqu’il en est fait souvent mention. Or, ces figures étaient faites sur des noyaux de terre séchée, suivant le procédé indiqué par Théophile. Le procédé pour fondre est le même. Ces bronzes du moyen âge sont fondus très-minces, comme la plupart des bronzes antiques, et comme le sont aussi les belles statues françaises de la renaissance, parmi lesquelles on citera celles de Henri II et de Catherine de Médicis de l’église de Saint-Denis. Dans ces deux figures, la fonte n’a point été retouchée et est restée telle qu’elle est sortie du moule. Or, ces figures sont fondues d’un seul jet et ne présentent aucune bavure. L’emploi de la cire perdue permettait seul d’obtenir un pareil résultat.

Mais le moyen âge n’est point routinier dans l’emploi des procédés. Il cherche sans cesse, il simplifie, modifie et améliore avec une telle activité, qu’un monument, ou même un objet, est commencé d’après un système et fini suivant un autre. Non content de fondre ou de repousser au

  1. La collection Gaignères d’Oxford, bibliothèque Bodléienne, conserve un dessin colorié de ce tombeau.
  2. Voyez, pour ces objets de bronze destinés à la décoration intérieure, le Dictionnaire du mobilier.