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core des détails romans ; des animaux fantastiques mêlés à des feuillages dentelés. Mais, à toutes les époques de transition d’un style à un autre, il y a des retardataires et des artistes avancés parmi les exécutants ; le même fait peut être constaté à Notre-Dame de Paris. Il faut choisir les exemples parmi ceux qui appartiennent aux écoles nouvelles, ce sont ceux qui donnent la note juste. Suger était plus à même que personne de s’entourer des artistes les plus capables et les plus avancés ; il le fit pour ce qui concerne la structure de son église. Comment alors sa sculpture, si près de la capitale du domaine royal, serait-elle plus romane que celle de Saint-Étienne de Sens, si ce dernier monument était antérieur au sien ? Il nous est donc difficile de placer la sculpture de la cathédrale de Sens avant 1150. C’est la transition entre celles de l’église de Saint-Denis et de Notre-Dame de Paris.

On peut d’ailleurs prendre une idée exacte de la différence entre les deux époques et du progrès déjà accompli à Sens, en examinant dans les deux édifices deux ornements composés de même et placés d’une manière identique. Le portail nord de l’église de Suger est conservé, sauf quelques mutilations ; or les deux pieds-droits de la baie sont décorés de rinceaux d’un beau style, dont nous donnons (fig. 51) un fragment[1].

  1. Il faut observer ici comment les sculptures étaient faites en chantier dès cette époque, c’est-à-dire avant la pose. Notre figure donne deux assises de l’ornement montant. On voit parfaitement que le raccord entre les deux portions d’ornement, au lit de la pierre, ne se fait pas exactement, ce qui n’est possible qu’à la condition de ravaler et de sculpter sur le tas.