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pour les parties verticales, les murs, les tapisseries, harmonie la plus simple, celle qui est donnée par les tons jaune et rouge sur fond blanc avec rehauts noirs ; mais pour les voûtes, plus éloignées de l’œil et que l’on ne voit qu’à travers l’atmosphère colorée par la lumière passant à travers des verrières brillantes de ton, harmonie dans laquelle le bleu clair et le bleu intense interviennent, et par suite le pourpre et le vert, le tout rehaussé par des fonds et filets noirs : fonds noirs pour les bandes des triangles des voûtes, filets noirs seulement pour redessiner les ornements des nervures. En effet, le redessiné noir devient nécessaire dès que l’on passe à une harmonie composée des trois couleurs, jaune, rouge et bleu avec leurs dérivés ; car s’il y a une si grande différence de valeur entre le jaune et le rouge brun, qu’il n’est pas nécessaire de séparer le brun rouge du jaune ocre par un trait noir, il n’en est pas ainsi quand on juxtapose deux couleurs dont les valeurs sont peu différentes, comme le pourpre et le bleu, le bleu et le rouge, le bleu clair et le jaune, le vert et le pourpre, etc. ; le filet noir devient alors absolument nécessaire pour éviter la bavure d’un ton sur l’autre, et par suite la décomposition de l’un des deux. Ainsi, si vous couchez un ton bleu immédiatement à côté d’un ton pourpre, vous rendrez le pourpre gris et louche si le bleu est intense, où le bleu clair azuré, lilas même, si le pourpre est vif. Plus on s’éloignera de l’objet peint, plus cette décomposition de l’un des deux tons, et quelquefois des deux, sera complète. Mais si, entre ce bleu et ce pourpre vous interposez, comme dans l’exemple G (fig. 12), un filet noir et un filet blanc même doublant le noir, vous isolez chacun des tons, vous leur rendez leur valeur ; ils influent l’un sur l’autre sans se confondre et se nuire par conséquent ; ils contribuent à une harmonie, précisément parce qu’ils gardent chacun leur qualité propre et qu’ils agissent (qu’on nous passe le mot) dans la plénitude de cette qualité. En musique, pour qu’il y ait accord, il faut que chacune des notes données, devant concourir à l’accord, soit juste ; mais si une seule de ces notes est fausse, l’accord ne saurait exister. Eh bien ! il en est de même dans la peinture décorative : pour qu’il y ait accord, il faut que chaque ton conserve, à part lui, toute sa pureté ; pour qu’il la conserve, il ne faut pas que sa coloration ou sa valeur soit faussée par le mélange d’un ton voisin, mélange qui se fait surtout à distance, si l’on n’a pas pris le soin de circonscrire chaque ton par du noir, qui n’est pas un ton. Le blanc seul serait insuffisant à produire cet effet, parce que le blanc se colore et subit le rayonnement des tons voisins. Le noir est absolu, il peut seul circonscrire chaque ton. Il faut donc établir entre les tons d’une peinture décorative cette échelle harmonique de valeurs dont nous avons parlé plus haut, mais, il faut aussi tenir compte du rayonnement plus ou moins prononcé de ces tons ; rayonnement qui augmente en raison de la distance à laquelle l’œil est placé. Ainsi, par exemple, le bleu rayonne plus qu’aucune autre couleur. Une touche bleue sur un fond jaune, près de l’œil n’altère presque pas le jaune ; à distance, cette même touche bleue