Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 7.djvu/524

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[profil]
— 521 —

nent exactement la résistance de la pierre, les membres laissés tous en dehors. Dans la même église et dans d’autres édifices de la même époque, en Champagne, on voit apparaître le tracé D pour les boudins inférieurs des arcs. Le triangle abc étant équilatéral, et par conséquent les lignes ba, ca, à 60º.

Dans le profil de l’archivolte A, non-seulement le boudin inférieur est nervé, mais les boudins latéraux le sont également. En multipliant les membres, en remplaçant les évidements par des baguettes, on sentait la nécessité de donner plus d’énergie aux membres principaux, et les filets formant nerfs, en arrêtant vivement la lumière, permettent d’obtenir ce résultat.

Les architectes de l’Île-de-France ne se décident pas volontiers à recourir à ces nerfs saillants ; s’ils les emploient pour les boudins inférieurs, dès la fin du XIIe siècle, anguleux d’abord, puis à contre-courbes et à filets plus tard, ils ne les adoptent pour les boudins latéraux des arcs que fort rarement avant le milieu du XIVe siècle. Ces architectes semblent prendre à tâche de simplifier les méthodes géométriques qu’ils ont les premiers appliquées. L’église de Saint-Nazaire de Carcassonne nous fournit un exemple bien frappant de ce fait. Cette église, dont la construction est élevée entre les années 1320 et 1325, donne des tracés d’arcs-doubleaux et d’arcs ogives, procédant toujours du système développé plus haut, mais avec des simplifications notables.

Dans le profil A d’arc-doubleau (fig. 23), le boudin inférieur (5 pouces-1/2 de diamètre) étant tracé, de son centre a, la ligne à 45º ab a été élevée jusqu’à sa rencontre avec la verticale cb, limite du profil. L’angle cba a été divisé en deux parties par la ligne be. Tenant compte de la saillie du nerf, sur cette ligne a été posé le centre f du boudin (4 pouces de diamètre) ; le rayon du cavet est égal à celui du boudin et est placé en g. Le centre h du grand cavet est posé sur la ligne à 45º. Pour tracer les nerfs à contre-courbes, on a tracé les triangles équilatéraux aij ; flm. La même méthode, avec des différences sensibles que la figure fait assez comprendre, a été employée pour le tracé des arcs ogives et des arcs-doubleaux B, C, E, F. N’oublions pas que cette église fut construite après que la ville de Carcassonne fut comprise dans le domaine royal, et par un architecte de la province de l’Île-de-France très-certainement, ainsi que tous les détails de l’architecture le prouvent. Ici les nerfs saillants apparaissent sur les boudins latéraux, mais seulement dans les deux exemples A et F.

Toute architecture établie sur des principes logiques et sur des méthodes dérivées de ces principes, ne saurait s’arrêter en chemin ; il faut nécessairement qu’elle procède par une suite de déductions. Ce phénomène s’observe chez les Grecs, comme chez nous pendant le moyen âge.

Toute découverte découlant de l’application méthodique d’un principe est le point de départ de nouvelles formes.