Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 7.djvu/490

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[profil]
— 487 —

ouvriers le soin de tracer les profils de son monument, puisque c’était par ce tracé qu’il pouvait donner l’échelle de l’ensemble. Ceci étant, on comprend comment des architectes habitués à ne considérer les profils que comme un tracé élastique qui diminue ou augmente en raison des dimensions données à l’ensemble, ont pu affirmer que les tracés des profils appartenant aux monuments occidentaux du moyen âge étaient dus au hasard. Or, c’est un langage qu’il faut connaître, langage qui a ses lois parfaitement définies.

Les profils ont deux raisons d’exister : la première répond simplement à une nécessité de la structure ; la seconde dérive de l’art pur. Il est clair qu’un profil extérieur de corniche est destiné à éloigner les eaux pluviales du parement qu’il recouvre ; qu’un profil de soubassement n’est autre chose qu’un empattement donnant de l’assiette à la partie inférieure d’un mur ou d’une pile. Mais il ne suffit pas que ces fonctions soient remplies, il faut encore que l’œil trouve dans le galbe de ces profils une expression saisissante de leur utilité.

Le profil d’un chapiteau dorique grec est admirablement tracé pour exprimer un support ; et si un architecte du moyen âge avait eu quelque chose à lui reprocher, c’est de ne pas porter une charge qui soit en rapport avec son galbe robuste, puisque, sur deux de ses faces en encorbellement, ce chapiteau ne porte rien. C’est à l’expression rigoureuse du besoin que les architectes du moyen âge se sont d’abord appliqués dans le tracé de leurs profils ; le besoin satisfait, ils ont cherché à en rendre l’expression sensible aux yeux les moins exercés, et il faut reconnaître qu’ils y ont réussi beaucoup mieux que ne l’ont fait les artistes de l’antiquité, les Grecs compris. Une erreur trop répandue est de croire qu’un profil est beau par lui-même, et cette erreur semble avoir été partagée par les architectes grecs et romains depuis l’empire. Un profil n’a qu’une valeur relative, et celui qui produit un effet satisfaisant ici sera fâcheux ailleurs. Jamais, par exemple, les architectes des XIIe et XIIIe siècles n’ont donné à des profils intérieurs et extérieurs d’un même édifice le même galbe, par la raison : 1o que les besoins auxquels ils avaient à satisfaire extérieurement et intérieurement diffèrent ; 2o que l’effet produit par la lumière directe ne peut être le même que celui produit par la lumière diffuse. Un profil éclairé de haut en bas par le soleil ou de bas en haut par reflet, se modifie aux yeux : c’est alors que l’art, appuyé sur une observation fine, intervient.

Les profils les plus anciens que nous observons dans les édifices primitifs du moyen âge en France, et particulièrement dans l’Île-de-France, dans le Valois, une partie de la Champagne, de la Bourgogne, du Nivernais et de l’Auvergne, s’ils s’adaptent à des bandeaux, des corniches, des cordons et des tailloirs de chapiteaux, consistent en un simple épannelage, un biseau (fig. 2) partant du nu du mur ou reposant sur des corbelets. Mais on reconnut bientôt : 1o que ces profils ne garantissaient pas les parements des eaux pluviales ; 2o qu’ils produisaient peu d’effet : car si