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reconstructions de la cathédrale de 1212, et on la croirait plutôt de la fin du XIIe siècle que des premières années du XIIIe.

Un porche d’une époque un peu plus récente, couvert en berceau, protège cette porte, qui a conservé toutes ses peintures. Sa décoration consiste en une statue de la sainte Vierge assise dans le tympan, sous un dais très-riche et garni de courtines. L’archivolte plein cintre est ornée de statuettes d’anges. À la clef, la Vierge, sous la figure d’un petit personnage nu, est enlevée dans un voile par deux anges. Deux autres anges de plus grande dimension remplissent les écoinsons : l’un tient une croix bourdonnée, l’autre semble bénir. L’extrémité du tympan ogival est couvert par une peinture représentant le Christ dans sa gloire, accompagné de deux anges adorateurs. Les petits pieds-droits représentent, de face, des rinceaux très-délicats, et latéralement, des clercs occupés à des fonctions religieuses. La sculpture est entièrement couverte d’une coloration brillante, mais les sujets qui couvraient le tympan, derrière la Vierge, ont disparu. Deux fortes consoles portent le linteau (voy. la coupe A).

En examinant cette figure, on reconnaît que les architectes champenois du commencement du XIIIe siècle cherchaient des dispositions neuves, ou du moins qu’ils savaient profiter des traditions romanes pour les appliquer d’une façon originale[1]. La sculpture de figures et d’ornements de cette porte est très-bonne et encore empreinte du style du XIIe siècle, comme si elle eût été confiée à quelque vieux maître. Ce fait se présente parfois au commencement du XIIIe siècle. Il y avait alors évidemment une jeune école, tendant vers le naturalisme, et une école archaïque à son déclin ; mais nous avons l’occasion de constater l’influence et l’antagonisme de ces deux écoles à l’article Statuaire.

La cathédrale d’Amiens était commencée en 1220, quelques années après celle de Reims. Les constructions premières comprirent la nef et les deux bras de croix, et il est probable que Robert de Luzarches, l’architecte de ce beau monument, ne put voir élever que les soubassements de son projet. On peut reconnaître facilement les parties de l’édifice à la construction desquelles il présida. Ce sont : les contre-forts et piliers de la nef jusqu’à la hauteur des chapiteaux des bas côtés, les parties inférieures de la grande porte occidentale, et la base du pignon sud du transsept. Dans le plan primitif, la nef ne comportait pas de chapelles ; de belles fenêtres éclairaient directement les collatéraux[2] ; mais sous la première fenêtre de la nef, au sud, proche la façade occidentale, s’ouvrait une porte secondaire qui donnait dans le cloître établi de ce côté. Cette porte, aujourd’hui masquée par un porche du

  1. Voyez les détails de cette porte dans l’Architecture et les arts qui en dépendent, par M. Gailhabaud, tome II.
  2. Voyez Cathédrale, fig. 19 et 20.