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ques allant toujours en s’évasant du dedans au dehors, était très-bien trouvé au point de vue de la solidité et de l’effet. Ces archivoltes ébrasées formaient comme un large cadre autour du tympan, et il était naturel, celui-ci étant orné de bas-reliefs, de couvrir ces archivoltes de figures formant comme le complément de la scène principale, une assemblée de personnages participant à cette scène. Nous avons vu qu’à Vézelay déjà, ce parti est adopté. Nous le voyons développé aux portes occidentales de l’église de Saint-Lazare d’Avallon, au portail royal de la cathédrale de Chartres, et dans beaucoup d’autres églises élevées de 1150 à 1180. Maintenant nous allons examiner comme ce principe roman du XIIe siècle se modifie pour tomber dans la donnée gothique par plusieurs voies.

Évidemment, vers la seconde moitié du XIIe siècle, les architectes cherchaient dans la composition des portes, considérées comme une partie très-importante des édifices religieux, sinon de nouveaux principes, tout au moins des applications variées. La monotonie de composition des portes romanes dans chaque école fatiguait ; on voulait tenter du neuf, sans cependant abandonner la donnée première, qui paraissait excellente et qui l’est en effet. C’est ainsi, par exemple, que sur la façade de l’église de la Souterraine (Creuse), surmontée d’un gros clocher, on perçait une porte d’un aspect très-original, bien que son plan soit tracé conformément au mode d’ébrasement admis définitivement. Cette porte (fig. 61), comme la plupart de celles du Poitou et de la Saintonge, ne possède pas de linteau ni de tympan. La première archivolte, posée sur les pieds-droits, est découpée par une suite de redents très-prononcés, se détachant sur le vide de la baie ; les vantaux s’ouvrent par conséquent intérieurement jusqu’au sommet de cette archivolte dentelée. Les autres arcs présentent une suite de boudins alternativement unis et redentés. Ces redents descendent même jusqu’au niveau des bases. La seule sculpture que l’on remarque sur cette porte est celle des chapiteaux, et cependant l’aspect général est très-riche et d’une très-heureuse proportion[1]. On remarquera comment l’appareil des claveaux se combine avec le système des redents. Ce système d’appareil était d’ailleurs conforme à celui qui était adopté pour toutes les baies avec archivoltes. Ici les arcs sont déjà en tiers-point, le plein cintre a disparu.

Il est intéressant d’observer comme au sein d’une autre province se faisait la transition entre le style roman et le style gothique. Dans l’Île-de-France, la petite église de Nesle, près l’Isle-Adam (Seine-et-Oise), possède une porte principale qui date des dernières années du XIIe siècle, contemporaine par conséquent de l’exemple précédent, et qui se recommande par la pureté de son style, la sobriété de son ornementation, sans que dans cet ouvrage, d’une physionomie neuve pour cette époque,

  1. L’église de la Souterraine, d’un très-beau style, de la fin du XIIe siècle, a été restaurée depuis peu par M. Abadie.