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Philippe le Bel fit élever, pendant les dernières années du XIIIe siècle, en face d’Avignon, une citadelle importante[1], ouverte par une seule porte, du côté accessible, c’est-à-dire au midi, en face de la petite ville de Villeneuve-lez-Avignon. Cette porte est flanquée de deux grosses tours couronnées de mâchicoulis. Son ouverture, au point le plus étroit, est de 4m,20, largeur inusitée pour les portes des XIIe et XIIIe siècles. Nous en donnons le plan à rez-de-chaussée (fig. 24). Entre deux arcs en tiers-point, coule une première herse A, derrière laquelle, en B, roulait une porte à deux vantaux. En C, est un mâchicoulis, devant la seconde herse D, derrière laquelle également était suspendue une seconde porte à double vantail. Les mâchicoulis de couronnement défendent la première herse. On pénètre dans les deux tours par les portes E, fermées par des vantaux à coulisse, manœuvrés des salles du premier étage. Les deux herses A et D se manœuvraient d’une salle voûtée située directement au-dessus du passage ; deux escaliers à vis montent du rez-de-chaussée aux salles du premier et à la plate-forme supérieure, qui est dallée sur voûtes. Sur cette plate-forme, au-dessus de la salle de manœuvre des herses, s’élève un châtelet carré voûté en berceau, sur la plate-forme dallée duquel on arrivait par une échelle de meunier passant par une trappe ménagée au centre du berceau. Dans cette construction tout ouvrage de charpenterie avait été exclu, afin de soustraire cette défense aux chances d’incendie. La construction est traitée avec un soin extrême ; élevée en excellente pierre de Villeneuve, par assises réglées de 0m,27 de hauteur, elle n’a subi aucune altération. Les voûtes sont faites avec la plus grande perfection, épaisses, bien garnies dans les reins par une maçonnerie excellente. Les deux escaliers à vis donnent dans des chambres, cachots et latrines, placés dans les épaulements qui réunissent ces tours aux deux courtines voisines. Sur le flanc de l’épaulement de gauche, on voit l’une de ces descentes de latrines, tombant sur les dehors. Un pont-levis, d’une époque plus récente, avait été disposé en avant de la première herse. Les abords de cette porte étaient primitivement défendus par un ouvrage avancé, sorte de barbacane qui est représentée dans la figure 25, donnant l’élévation extérieure de la porte de Villeneuve-lez-Avignon. Cette élévation fait voir, au centre, le châtelet carré qui surmonte la plate-forme et les couronnements crénelés des escaliers à vis qui, à droite et à gauche, servaient de guette et complétaient la défense des deux pans coupés. Le châtelet, par sa position dominante, commandait les abords et pouvait recevoir un ou deux engins à longue portée. Des engins, pierriers, mangonneaux, pouvaient également être dressés sur les plates-formes dallées des tours. Par la suppression des combles en charpente on évitait donc les incendies, et l’on rendait, par l’installation des machines de jet, les approches plus

  1. Voyez l’article Pont, où il est parlé de ces ouvrages à propos du pont Saint-Bénézet d’Avignon.