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Petit Benoît, il paraît certain que ce personnage fut le chef de la confrérie des Hospitaliers pontifes qui entreprit la construction du pont d’Avignon. Cette confrérie, au XIIe siècle, était instituée pour bâtir des ponts, établir des bacs, et donner assistance aux voyageurs sur les bords des rivières[1]. Quoi qu’il en soit, le pont de Saint-Bénezet, savamment construit, existerait encore, n’étaient les guerres et l’incurie des gens d’Avignon.

Clément VI en fit reconstruire quatre arches. Les Catalans et les Aragonais le coupèrent en 1395, pendant le siège du palais des Papes.

En 1418, les Avignonnais firent rétablir l’arche coupée ; mais soit que l’ouvrage ait été mal fait, soit que les autres parties du pont ne fussent pas entretenues, une arche s’affaissa et entraîna la chute de trois autres en 1602. En 1633, il en tomba deux autres, et pendant l’hiver de 1670, sur le grand bras, on constate encore la chute de deux arches[2]. Ces arches furent tant bien que mal réparées par des ouvrages de charpenterie, mais depuis plus d’un siècle ce beau monument est réduit aux quatre arches qui tiennent au châtelet du côté de la ville. Ce pont était la seule voie permanente de communication qui existât entre le territoire papal d’Avignon et le territoire français du Languedoc. Dans des temps reculés, la ville avait étendu sa juridiction dans les îles du Rhône et en face de son territoire, sur tout le littoral de la rive droite du fleuve. Ses justiciers avaient fait dresser leurs fourches patibulaires, les unes devant la fontaine de Montaud, les autres sur le rocher, au nord du lieu des Angles, qu’on appelle encore la Justice. Tant que les rois de France possédèrent la ville d’Avignon indivisément avec les comtes de Provence, ils n’apportèrent aucun obstacle à cette extension de la juridiction de la cité ; mais lorsqu’au mois de septembre 1290, Philippe le Bel, par suite du mariage de Charles, son cousin, avec Marguerite, fille du roi de Sicile, comte de Provence, lui eut cédé les droits de suzeraineté qu’il avait sur Avignon, il prétendit faire respecter dans l’avenir ses limites territoriales ; en conséquence, ses officiers firent jeter, en 1307, les fondations de la tour de Villeneuve, qui ferme le pont du côté de la rive droite. Charles II, roi de Sicile, se plaignit de cet acte qu’il considérait comme un empiétement sur des droits consacrés par l’usage, en alléguant que le territoire d’Avignon s’étendait au littoral de la rive droite du Rhône. Le roi de France commit son sénéchal de Beaucaire pour faire une enquête au sujet de cette réclamation ; celui-ci se transporta sur les lieux, et se disposait

  1. La confrérie religieuse des Frères hospitaliers pontifes prit naissance et s’établit d’abord à Maupas, au diocèse de Cavaillon, dès l’année 1164, d’après les Recherches historiques de l’abbé Grégoire. Petit Benoît, ou saint Bénezet, fut le chef de cette institution, et aurait commencé ses travaux à Maupas ; ce serait après cette première œuvre qu’il aurait entrepris la construction du pont d’Avignon.
  2. Dans le recueil des Plans et profils des principales villes et lieux considérables de France, par le sieur Tassin, 1652, est donnée une vue d’Avignon avec le pont Saint-Bénezet. Deux arches manquent dans l’île et trois sur le grand bras.