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se présentent lors de l’emploi du plomb dans les couvertures. Autrefois on n’employait que le plomb coulé sur sable en tables plus ou moins épaisses ; ce procédé a l’avantage de laisser au métal toute sa pureté et de ne point dissimuler les défauts qui peuvent se manifester, mais il a l’inconvénient de donner aux tables des épaisseurs qui ne sont pas parfaitement égales, de sorte que la dilatation agit inégalement ou que les pesanteurs ne sont pas partout les mêmes. Le plomb laminé que l’on emploie assez généralement aujourd’hui est d’une épaisseur uniforme, mais le laminage dissimulé des brisures ou des défauts qui se manifestent bientôt sous l’action de l’air, et qui occasionnent des infiltrations. De plus, le plomb laminé est sujet à se piquer, qui n’arrive pas habituellement au plomb coulé. Ces piqûres sont faites par des insectes qui perforent le plomb de part en part et forment ainsi autant de trous d’un millimètre environ de diamètre, à travers lesquels l’eau de pluie se fait jour. Nous n’avons jamais eu à signaler de ces sortes de perforations dans des vieux plombs coulés, tandis qu’elles sont très-fréquentes dans les plombs laminés. Nous laissons aux savants le soin de découvrir la cause de ce phénomène singulier. Un autre phénomène se produit avec l’emploi du plomb pour revêtir du bois. Autrefois les bois employés dans la charpente et le voligeage avaient longtemps séjourné dans l’eau et étaient parfaitement purgés de leur sève ; aujourd’hui, ces bois (de chêne) sont souvent mal purgés ou ne le sont pas du tout[1], il en résulte qu’ils contiennent une quantité considérable d’acide pyroligneux (particulièrement le bois de Bourgogne), qui forme avec le plomb un oxyde, de la céruse, dès que le métal est en contact avec lui. L’oxydation du plomb est si rapide dans ce cas, que, quelques semaines après que le métal a été posé sur le bois, il est réduit à l’état de blanc de céruse, et est bientôt percé. Nous avons vu des couvertures, faites dans ces conditions, qu’il a fallu refaire plusieurs fois en peu de temps, jusqu’à ce que le plomb eût absorbé tout l’acide contenu dans les fibres du bois. Des couches de peinture ou de brai interposées entre le bois et le métal ne suffisent même pas pour empêcher cette oxydation, tant le plomb est avide de l’acide contenu dans le chêne. Les constructeurs du moyen âge n’avaient pas été à même de signaler ce phénomène chimique, puisque leurs bois n’étaient jamais mis en œuvre que purgés complètement de leur sève, et leurs couvertures ne présentent point trace de blanc de céruse lorsqu’on en soulève les tables.

Il en est de la couverture en plomb comme de beaucoup d’autres parties de la construction des bâtiments ; nous sommes un peu trop portés à croire à la perfection de nos procédés modernes, et trop peu

  1. Autrefois tous les bois, outre leur séjour dans l’eau, n’arrivaient sur les chantiers qu’après avoir flotté ; aujourd’hui, les transports par chemins de fer nous amènent des bois qui n’ont pas séjourné du tout dans l’eau et qui contiennent toute leur sève. De là des inconvénients très-graves.