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[pignon]
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pignon de la face occidentale de l’église de Saint-Père avait été construit en prévision d’une surélévation de la nef qui ne fut pas effectuée, de sorte qu’aujourd’hui ce pignon s’élève beaucoup au-dessus des combles. Il devait être flanqué de deux hauts clochers ; celui du nord seul fut construit (voy. Clocher, fig. 70). Un grand arc (fig. 8) était destiné à tracer la pénétration de la voûte sur la face. Sous cet arc s’ouvre une rose qui surmonte une baie à meneaux[1]. Toute la décoration au-dessus de l’archivolte devait masquer la charpente, et présente dans une arcature une série de statues de grande dimension. Au sommet est assis le Christ bénissant, couronné par deux anges agenouillés. Sous le Christ est placé, debout sur un piédestal, saint Étienne, puis à la droite du Christ la Vierge, à la gauche sainte Anne. À la droite de la Vierge s’échelonnent les statues de saint Pierre, de saint André et d’un troisième apôtre. À la gauche de sainte Anne, saint Paul, saint Jean et un apôtre. Sous les statues de sainte Anne et de la Vierge on voit deux têtes de démons ; les autres statues sont portées sur des pilettes et des culs-de-lampe. Des deux côtés de la rose sont sculptés le lion et le dragon. L’iconographie de ce pignon est donc complète et n’a subi aucune mutilation grave. Quant à la construction de cet important morceau d’architecture, elle consiste en un mur bâti en assises basses, roidi à l’extérieur par l’arcature composée d’assez grandes assises. Les deux clochers devaient l’épauler à ses deux extrémités ; celui du nord ayant été seul élevé, le pignon avait gauchi du côté sud ; mais il a été facile d’arrêter ce mouvement au moyen d’un contre-fort bâti à l’intérieur sur le mur de la nef, dont la voûte actuelle ne dépasse pas le niveau A. Il n’est pas nécessaire de faire ressortir la valeur de cette composition vraiment magistrale, et il faut dire que la statuaire ainsi que la sculpture d’ornement sont traitées de main de maître. Les figures, un peu longues en géométral, prennent en perspective leur proportion réelle, et forment un ensemble surprenant par sa richesse et la belle entente des lignes.

Le pignon de la face occidentale de l’église abbatiale de Vézelay, dû très-probablement au même artiste, présente une disposition différente et plus originale encore. Il sert de tympan aux voûtes du porche qui datent du XIIe siècle ; l’arcature est à jour, éclaire le porche et les figures sont placées au droit des piles. Mais, fait unique peut-être, les rampants de ce pignon, au lieu d’être rectilignes, sont formés par deux courbes donnant une ogive (fig. 9)[2]. Les statues qui décorent ce pignon présentent, comme à l’église de Saint-Père, au sommet, le Christ assis, tenant le livre des Évangiles et bénissant ; deux anges portent une large couronne au-dessus de sa tête. À la droite du Christ est la Vierge, à sa gauche sainte Anne. Deux anges thuriféraires terminent la série. Au-dessous on voit, au droit des piliers : saint Jean-Baptiste, saint Pierre, saint Paul et

  1. Aujourd’hui cette rose s’ouvre sous le comble de la nef.
  2. À l’échelle de 0,01 pour mètre.