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l’hexagone sont alternativement posées, pleins sur vides, de sorte qu’en coupe perspective nous voyons que les pieds-droits s’élèvent sur les clefs des arcs en tiers-point formant niches d’une pile à l’autre, ainsi que l’indique la fig. 144. Cette construction évite le déliaisonnement qui peut se produire et se produit ordinairement dans un cylindre renfermant des niches percées les unes au-dessus des autres ; elle permet aussi d’ouvrir des meurtrières se chevauchant et découvrant tous les points de l’horizon. Nous supposons détruite la voûte de l’étage inférieur au-dessus de la cave, afin de laisser voir l’ensemble de la construction. On ne peut descendre dans cette cave que par l’œil percé au sommet de la voûte. On comprend comment une pareille construction, reposant sur un massif plein et sur un étage inférieur dont les murs cylindriques sont très-épais et renforcés par un talus extérieur, s’épaulant à chaque étage par le moyen des piles chevauchées, devait défier tous les efforts de la sape ; car, pour faire tomber une tour ainsi bâtie, il eût fallu saper la moitié de son diamètre, ce qui n’était pas facile à exécuter au sommet d’un escarpement, et en présence d’une garnison possédant des issues souterraines sur les dehors.

Examinons maintenant la construction du donjon de Coucy, bâti par Enguerrand III vers 1225. C’est un cylindre de plus de 30 mètres de diamètre hors œuvre sur une hauteur de 60 mètres. Il comprend trois étages voûtés de 13 mètres de hauteur chacun et une plate-forme crénelée. Le sol du rez-de-chaussée est à 5 mètres au-dessus du fond du fossé, et depuis ce sol intérieur jusqu’au dallage du fossé, le cylindre s’empatte en cône. La maçonnerie, pleine dans la hauteur des deux étages inférieurs, a 5m,50 c. d’épaisseur et est encore consolidée par des piles intérieures formant douze contre-forts portant les retombées des voûtes (voy. Donjon).

La fig. 145 donne la coupe perspective de cette énorme tour. Les niches inférieures sont étrésillonnées à moitié de leur hauteur par des arcs A formant des réduits relevés au-dessus du sol, propres au classement des armes et engins. Au premier étage, les niches entre les contre-forts s’élèvent jusqu’à la voûte, et leurs arcs en sont les formerets. Au second étage, la construction pouvait être plus légère ; aussi le cylindre se retraite à l’intérieur pour former une galerie relevée B permettant à un très-grand nombre de personnes de se réunir dans la salle supérieure. Mais il faut expliquer la construction remarquable de cette galerie. En plan, le quart de cet étage du donjon présente la fig. 146. Sur les douze piles AB portent les arcs doubleaux de tête C tenant lieu de formerets à la grande voûte centrale D. Ces piles AB ont leurs deux parements latéraux parallèles. Des points b sont bandés d’autres arcs doubleaux G parallèles aux arcs C, mais plus ouverts, et dont les naissances viennent pénétrer les surfaces biaises des piles. Sur les arcs doubleaux C et G sont bandés des berceaux en tiers-point EF. D’autres berceaux IK parallèles aux côtés L du polygone à vingt-quatre côtés viennent reposer sur les pieds-droits e, sur les faces M et sur les cornes en encorbellement O. La coupe perspective, vue du point P, donne la fig. 146 bis, qui explique les