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[clocher]
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Germain-des-Prés et de Poissy[1]. Cette base, non compris la saillie des contreforts, n’a que six mètres hors œuvre en carré. Suivant l’usage alors adopté, elle s’élève pleine, sauf les arcades du porche, jusqu’à la hauteur de la corniche de la nef. À partir de ce niveau A, est un premier étage percé d’une double arcature sur chaque face, puis un deuxième étage, également à jour, qui sert de beffroi.

Voici (45) une élévation géométrale de ce clocher, qui dut être couronné primitivement par une pyramide en pierre à quatre pans ; car il ne paraît pas que l’on ait couvert les clochers avant le XIIIe siècle, si ce n’est peut-être en Normandie et dans les Flandres, par des combles en charpente[2].

On sent déjà, dans cette construction si simple, le cachet d’un artiste de goût. Les contreforts qui renforcent les angles de la partie inférieure s’arrêtent à la hauteur convenable pour laisser le beffroi se détacher sur un socle carré. L’étage du beffroi lui-même est rendu plus élégant par des colonnettes d’angle engagées qui rompent la sécheresse des vives arêtes. Le petit ordre qui supporte les archivoltes des baies supérieures est d’une proportion heureuse, et le plan des piles est léger et solide (fig. 46). La corniche de couronnement, composée d’une tablette portée par des corbeaux sculptés, est fine et riche à peu de frais. Quoique très-simple de la base au sommet, cette construction ménage cependant ses effets avec adresse, réservant la sculpture pour les parties supérieures, n’abandonnant rien au caprice ; elle n’emploie que des matériaux de petite dimension, et laisse aux cloches les plus grands vides possibles. Ce qui fait supposer que le clocher-porche de l’église de Morienval était primitivement terminé par une pyramide en pierre à base carrée, c’est que, dans la même église, les deux autres clochers qui flanquent le chœur, conformément aux habitudes de cette époque[3], sont couverts par des pavillons en maçonnerie, ainsi que l’indique la fig.47.

Mais, vers le commencement du XIIe siècle, on cessa, dans les nouveaux plans des églises bâties à cette époque, d’élever des clochers sur les porches ; c’était là un reste des traditions des temps désastreux de l’invasion normande ; les raisons qui avaient fait élever ces clochers ne

  1. Des restaurations récentes ont fait perdre à la base du clocher de Saint-Germain-des-Prés de Paris tout son caractère ; mais il n’y a pas longtemps qu’elle existait encore à peu près entière, sauf un portail extérieur du XVIIIe siècle.
  2. De 859 à 861, l’église abbatiale de Saint-Bertin de Saint-Omer, après avoir été incendiée par les Normands, fut rebâtie, et le clocher de cette nouvelle église était terminé par une charpente contenant trois étages de cloches, sans compter la flèche ; le tout était couvert de plomb. (Voy. les abbés de Saint-Bertin, d’après les anciens mon. de ce monast., par H. de Laplane ; prem. part., p. 66 ; 1854, Saint-Omer.)
  3. Les clochers posés à droite et à gauche du sanctuaire étaient, particulièrement dans les églises abbatiales, destinés à la sonnerie des offices. Du chœur, les clercs étaient ainsi à portée des clochers sans sortir de l’enceinte cloîtrée. Les clochers des façades étaient réservés aux sonneries des fêtes et à celles qui appelaient les fidèles du dehors.