Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 2.djvu/414

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[cha]
— 411 —

vient la soulager, et, afin que cet arc ne poussât pas à son arrivée en B, les deux premiers pieds-droits C C de la claire-voie ont été inclinés de façon à opposer une butée à cette poussée. Aujourd’hui on trouverait étrange qu’un architecte se permit une pareille hardiesse ; incliner des pieds-droits ! On lui demanderait d’user d’artifices pour obtenir ce résultat de butée sans le rendre apparent ; au commencement du XIIIe siècle, on n’y mettait pas autrement de finesses.

Sauval cite la chaire du réfectoire de l’abbaye Saint-Germain-des-Prés, bâti par Pierre de Montereau, comme un chef-d’œuvre en ce genre. Elle était, dit-il, « portée sur un gros cul-de-lampe, chargé d’un grand cep de vigne coupé et fouillé avec une patience incroyable[1]. » Lebeuf parle aussi de la chaire du réfectoire de Saint-Maur-des-Fossés, comme étant remarquable et « revêtue de dix images ou petites statues de saints d’un travail antique, mais grossier[2]. » Les exemples de ces chaires de réfectoires ne sont pas rares ; elles sont toujours disposées à peu près comme celle représentée fig. 2 et 3.

En 1109, un morceau considérable de la vraie croix fut rapporté de Jérusalem à Paris par la voie de terre, en traversant la Grèce, la Hongrie, l’Allemagne et la Champagne. Il fut provisoirement déposé à Fontenet-sous-Louvre, puis transporté en grande pompe à Saint-Cloud pour y être gardé jusqu’au premier d’août, jour désigné pour sa réception solennelle dans la cathédrale de Paris. Il y eut une grande affluence de peuple dans la plaine de Saint-Denis pendant la translation de cette précieuse relique de Fontenet à Saint-Cloud, pour la voir passer. Depuis lors, tous les ans, le second mercredi du mois de juin, le morceau de la vraie croix était rapporté dans la plaine située entre la Chapelle, Aubervilliers et Saint-Denis, afin d’être exposé à la vénération des fidèles, trop nombreux pour pouvoir être reçus dans la cathédrale.

« Au sortir de Notre-Dame, dit l’abbé Lebeuf[3], on passoit au cimetière de Champeaux, dit depuis des Innocens. Après une pause faite en ce lieu, et employée à quelques prières pour les morts, l’évêque commençoit la récitation du Pseautier qui étoit continuée jusqu’au lieu indiqué (ci-dessus) usque ad indictum. Là, après une antienne de la croix, l’évêque ou une autre personne en son nom, étant au haut d’une tribune dressée exprès, faisoit un sermon au peuple : après quoi le même prélat, aidé de l’archidiacre, donnoit la bénédiction à toute la multitude avec la croix apportée de Paris, se tournant d’abord à l’orient d’où cette relique est venue, puis au midi vers Paris, ensuite au couchant, et enfin au septentrion du côté de Saint-Denis… »

Cet exemple de prédication en plein air n’est pas le seul. Saint Bernard

  1. Hist. de Paris, Sauval, t. I, p. 341.
  2. Hist. de la ville et du diocèse de Paris, par l’abbé Lebeuf, t. V, p.154. Ce réfectoire datait du XIVe siècle.
  3. Hist. de la ville et du diocèse de Paris, t. III, p. 253.