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frapper les imaginations par la représentation du jugement dernier ; de la récompense des bons et de la punition des méchants. Comme épisodes de ce grand poëme, la parabole des vierges sages, celle de l’enfant prodigue, quelquefois des scènes tirées de l’Ancien Testament, la tentation et la chute d’Adam, la mort d’Abel, le déluge, l’histoire de Joseph, de Job, celle de David, les principaux exemples de la faiblesse, de la résignation ou du courage humain, de la vengeance divine. Puis ces figures énergiques des vertus et des vices personnifiés ; puis, enfin, l’ordre naturel, les saisons, les éléments, les travaux de l’agriculture, les sciences et les arts. L’iconographie de la cathédrale, à l’extérieur, embrassait donc toute la création.

Dans l’église, la statuaire était remplacée par les peintures des verrières ; sur ces splendides tapisseries, on retrouvait, dans le chœur, la passion de Jésus-Christ, les apôtres, les évangélistes et les prophètes, les rois de Juda ; dans la nef, les saints évêques. Les fenêtres basses retraçaient aux yeux les légendes des saints, des paraboles, l’Apocalypse, des scènes du jugement dernier. Celles de la chapelle du chevet consacrée à la Vierge, son histoire, ses légendes, l’arbre de Jessé, les prophéties, les sibylles. Le pavage venait à son tour ajouter à la décoration en entrant dans le concert universel ; au centre de la nef était incrusté un Labyrinthe (voyez ce mot), figure symbolique, probablement, des obstacles que rencontre le chrétien et de la patience dont il doit être armé ; c’était au centre de ce labyrinthe que les noms et les portraits des maîtres des œuvres étaient tracés, comme pour indiquer qu’ils avaient eu, les premiers, à traverser de longues épreuves avant d’achever leur ouvrage. Sur les dallages des cathédrales, on voyait aussi, gravés, des zodiaques[1], des scènes de l’Ancien Testament[2], des bestiaires[3]. Si nous ajoutons, à ces décorations tenant aux monuments, les tapisseries et les voiles qui entouraient les sanctuaires, les jubés enrichis de fines sculptures, les peintures légendaires des chapelles, les autels de marbre, de bronze ou de vermeil, les stalles, les châsses, les grilles admirablement travaillées, les lampes d’argent et les couronnes de lumière suspendues aux voûtes, les armoires peintes ou revêtues de lames d’or renfermant les trésors, les statues en métal ou en cire, les tombeaux, les clôtures de chœur couvertes de bas-reliefs, les figures votives adossées aux piliers, nous pourrons avoir une idée de ce qu’était la cathédrale, au XIIIe siècle, un jour de grande cérémonie, lorsque les cloches de ses sept tours étaient en branle, lorsqu’un roi y était reçu par l’évêque et le chapitre, suivant l’usage, aussitôt son arrivée dans une ville.

Dépouillées aujourd’hui, mutilées par le temps et la main des hommes, méconnues pendant plusieurs siècles par les successeurs de ceux qui les

  1. Canterbury
  2. Saint-Omer.
  3. Genève ; Canterbury.