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afin de ne pas interrompre le culte. En 1223, l’évêque Evrard mourut ; les fondations étaient achevées sous la nef, et probablement le pignon du transsept sud était élevé de quelques mètres au-dessus du sol. Sous l’épiscopat du successeur de l’évêque Evrard, Geoffroy d’Eu, nous voyons déjà les travaux confiés à un second architecte, Thomas de Cormont. Robert de Luzarches n’avait pu que laisser les plans de l’édifice qu’il avait fondé. Le second maître de l’œuvre éleva les constructions de la nef jusqu’à la naissance des grandes voûtes ; nous arrivons alors à l’année 1228. Son fils, Renault de Cormont, continua l’œuvre et passe pour l’avoir achevée en 1288, ce qui n’est guère admissible, si nous observons les différences profondes de style qui existent entre le rez-de-chaussée et les parties hautes du chœur. En 1237, l’évêque Geoffroy mourut ; son successeur Arnoult termina les voûtes de la nef et fit élever sur la partie centrale de la croisée une tour de pierre surmontée d’une flèche en bois et plomb. Ce fut probablement aussi cet évêque qui fit élever les chapelles du chœur[1]. En 1240, l’évêque Arnoult avait poussé les travaux avec une telle activité que les fonds étaient épuisés ; il fallut suspendre les constructions et amasser de nouvelles sommes. En 1258, un incendie consuma les charpentes des chapelles de l’abside ; on voit parfaitement, encore aujourd’hui, les traces de ce sinistre au-dessus des voûtes de ces chapelles. Ce désastre dut contribuer encore à ralentir l’achèvement du chœur. Il est certain que le triforium de l’abside, et par conséquent toute l’œuvre haute, ne fut commencé qu’après cet incendie, car, sur les pierres calcinées en 1258, sont posées les premières assises parfaitement pures de ce triforium. Les successeurs d’Arnoult, Gérard ou Evrard de Couchy (pour Coucy) et Aléaume de Neuilly, ne purent que réunir les fonds nécessaires à la continuation des travaux. À Amiens, comme partout ailleurs, les populations montraient moins d’empressement à voir terminer le monument de la cité ; on mit un temps assez long à recueillir les dons nécessaires à l’achèvement du chœur, et ces dons ne furent pas assez abondants pour permettre de déployer dans cette construction la grandeur et le luxe que l’on trouve dans la nef et les chapelles absidales. En 1269, cet évêque faisait placer les verrières des fenêtres hautes du chœur[2], et son successeur, Guillaume de Mâcon, en 1288, mit la dernière main aux voûtes et parties supérieures du chevet. En construisant la nef, de 1220 à 1228, on avait voulu clore, avant tout, le vaisseau, et on ne s’était pas préoccupé de la façade laissée en arrachement. La porte centrale seule

  1. «…. Le nécrologe du chapitre en la fondation de l’obit de cet évesque le faict origenaire de la ville d’Amiens, fort débonnaire et de grande estude, et croyrois que c’est luy qui gist en marbre noir, tout au plus haut, s’il faut ainsi dire, de l’église, vis-à-vis de la chapelle paroissiale (la chapelle de la Vierge dans l’axe) justement derrière le chœur, en mémoire qu’il acheva la summité d’icelle… » Antiquitez de la ville d’Amiens. Adrian de la Morlière, chan., 1627.
  2. L’inscription qui constate ce fait existe encore sur la verrière haute située dans l’axe du chœur.