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rables de conception et de grandeur ; les piles sont épaisses, les fenêtres supérieures profondément encadrées. Cet édifice a toute la force de la cathédrale de Chartres, sans en avoir la lourdeur ; il réunit enfin les véritables conditions de la beauté dans les arts, la puissance et la grâce ; il est d’ailleurs construit en beaux matériaux, savamment appareillés, et on retrouve dans toutes ses parties un soin et une recherche fort rares à une époque où l’on bâtissait avec une grande rapidité et souvent avec des ressources insuffisantes. Ce ne fut guère qu’en 1240 que l’on continua les parties supérieures du chœur, que l’on commença les premières travées de la nef et la façade. Celle-ci ne fut achevée, sauf les deux flèches des deux tours occidentales, que vers le commencement du XIVe siècle ; on y travaillait encore pendant le XVe siècle, mais en suivant les dispositions et détails des XIIIe et XIVe siècles. Un cloître s’élevait au nord de la nef et du transsept ; et c’était probablement pour donner entrée dans ce cloître qu’avait été faite la porte ouverte dans la travée de droite du pignon nord, porte dont nous avons parlé tout à l’heure. Deux autres portes publiques furent ouvertes, dans les deux autres travées de ce pignon, vers le milieu du XIIIe siècle, et richement décorées de voussures, bas-reliefs et statues[1]. Deux tours s’élèvent sur la façade occidentale ; quatre tours surmontent les quatre angles des transsepts, et une tour centrale se dressait, au centre de l’édifice, sur les quatre piles de la croisée. Une flèche en plomb couronnait le poinçon de la croupe du comble au-dessus du sanctuaire. Le pignon du transsept sud donnant du côté de l’archevêché ne fut jamais percé de grandes portes. On arrivait du palais archiépiscopal au chœur par des portes secondaires, percées dans les soubassements de ce pignon (voyez le plan). Pendant les XIVe et XVe siècles, de petites chapelles furent bâties du côté nord, entre les contreforts de la nef et dans l’intervalle laissé par le cloître ; mais ces petites chapelles, qui ne dépassent pas l’appui des fenêtres, ne dérangent en rien l’ordonnance intérieure du vaisseau ; elles ne s’ouvrent, dans le bas-côté, que par de petites portes.

Si les projets de Robert de Coucy furent modifiés, c’est surtout dans la construction de la façade occidentale, qui présente tous les caractères de l’architecture la plus riche de la seconde moitié du XIIIe siècle. Comme décoration, elle se relie encore aux faces latérales par ces admirables couronnements de contreforts dans lesquels sont placées des statues colossales. Mais la multiplicité des détails nuit à l’ensemble ; cette façade, quelque belle qu’elle soit, n’a pas la grandeur des faces latérales. L’archivolte de la porte principale vient entamer la base des contreforts intermédiaires, ce qui tourmente l’œil ; les nus, les parties tranquilles font défaut. Cependant, et telle qu’elle est, la façade occidentale de la cathédrale de Reims est une des plus splendides conceptions du XIIIe siècle ; elle a pour nous, d’ailleurs, l’avantage d’être la seule. Notre-Dame de Paris est encore une façade de l’époque de transition. Il en est de même à Laon. Nous ne

  1. Seule, la porte centrale est ouverte aujourd’hui.