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portail qui était resté inachevé, et on dressa la gracieuse clôture du chœur que nous voyons encore aujourd’hui et qui seule a résisté en partie aux mutilations que les chanoines firent subir au sanctuaire pendant le dernier siècle. Toutes les verrières de cet édifice sont de la plus grande magnificence et datent du XIIIe siècle, sauf celles des trois fenêtres du portail occidental, qui furent replacées avec leurs baies et proviennent de l’église du XIIe siècle.

Guillaume le Breton avait raison lorsque, en 1220, il disait que la cathédrale de Chartres n’avait plus rien à craindre du feu. En 1836, un terrible incendie consuma toute la charpente supérieure et le beau beffroi du clocher vieux (voy. Beffroi). La vieille cathédrale put résister à cette épreuve ; elle est encore debout telle que les constructeurs du XIIIe siècle nous l’ont laissée ; elle demeure comme un témoin de l’énergique puissance des arts de cette époque ; et, du haut de la colline qui lui sert de base, sa mâle silhouette, qui de neuf flèches n’en possède que deux, est une cause d’étonnement et d’admiration pour les étrangers qui traversent la Beauce.

Nous ne trouvons plus à Chartres la galerie supérieure voûtée ; un simple triforium, décoré d’une arcature, laisse une circulation intérieure tout au pourtour de la cathédrale, derrière les combles en appentis des bas-côtés. Cette église, la plus solidement construite de toutes les cathédrales de France[1], ne présente, dans sa coupe transversale, rien qui lui soit particulier, si ce n’est la disposition des arcs-boutants (voy. Arc-boutant, fig, 54).

Afin de conserver un ordre logique dans cet article, nous devons, quant à présent, laisser de côté certains détails sur lesquels nous aurons à revenir, et poursuivre notre examen sommaire des cathédrales élevées au commencement du XIIIe siècle. Jusqu’à présent, nous avons présenté des plans dans lesquels il se rencontre des indécisions, des tâtonnements, l’empreinte de traditions antérieures. À Chartres même, les fondations de l’église de Fulbert et la conservation des vieux clochers ne laissent pas aux architectes toute leur liberté.

En 1211, l’ancienne cathédrale de Reims, bâtie par Ebon, et qui datait du IXe siècle, fut détruite de fond en comble par un incendie. Cette église était lambrissée, et affectait probablement la forme d’une basilique. Dès l’année suivante, en 1212, Albéric de Humbert, qui occupait le siège archiépiscopal de Reims, posa la première pierre de la cathédrale actuelle ; l’œuvre fut confiée à un homme dont le nom nous est resté, Robert de Coucy. Si le monument était champenois, l’architecte était d’une ville voisine du domaine royal ; il ne faut pas oublier ce fait. Le plan, conçu par Robert de Coucy, était vaste, établi sur des bases solides ; cet architecte doutait de pouvoir l’exécuter tel

  1. La cathédrale de Chartres est bâtie en pierre de Berchère ; c’est un calcaire dur, grossier d’aspect, mais d’une solidité à toute épreuve. Les blocs employés sont d’une grandeur extraordinaire. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces détails (voy. Arc-boutant, Base, Construction, Porche, Pilier, Soubassement).