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Chauve et la croix d’or donnée par l’abbé Suger[1]. Le tableau de Van Eyck est exécuté avec une finesse et une exactitude si remarquables, que l’on distingue parfaitement jusqu’aux moindres détails du retable et du reliquaire. Les caractères particuliers aux styles différents sont observés avec une scrupuleuse fidélité. On voit que le retable appartient au IXe siècle ; les colonnes, les anges et le reliquaire à la fin du XIIIe siècle.

D. Doublet donne, dans le chapitre xlv de ses Antiquitez de l’abbaye de Saint-Denis, une description minutieuse du retable d’or de cet autel, qui se rapporte entièrement au tableau de Van Eyck ; il mentionne la qualité et le nombre des pierres précieuses, des perles, leur position, les accessoires qui accompagnent les personnages.

Guillaume Durand semble admettre que tous les autels de son temps fussent entourés de voiles et courtines, et en effet les exemples donnés par les descriptions ou les représentations peintes ou dessinées (car malheureusement de tous ces monuments pas un seul ne reste debout) viennent appuyer son texte. Du temps de Moléon (1718), il existait encore un certain nombre d’autels ayant conservé leur ancienne disposition. Cet auteur cite celui de Saint-Seine, de l’ordre de saint Benoit[2]. « Le grand autel est sans retable. Il y a seulement un gradin et six chandeliers dessus. Au-dessus est un crucifix haut de plus de huit pieds, au-dessous duquel est la suspension du saint sacrement dans le ciboire ; et aux deux côtés de l’autel il y a quatre colonnes de cuivre, et quatre anges de cuivre avec des chandeliers et des cierges et de grands rideaux. » À Saint-Étienne de Sens (la cathédrale), même disposition. À la cathédrale de Chartres, « le grand autel est fort large ; il n’y a point de balustres, mais seulement des colonnes de cuivre et des anges au-dessus autour du sanctuaire. Le parement est attaché aux nappes un demi-pied sur l’autel ; la frange du parement est tout au haut sur le bord de la table. Au-dessus de l’autel il y a seulement un parement au retable, et au-dessus est une image de la sainte Vierge d’argent doré. Par derrière est une verge de cuivre, et au haut un crucifix d’or de la grandeur d’un pied et demi, au pied duquel est une autre verge de cuivre qui avance environ d’un pied ou d’un pied et demi sur l’autel, au bout de laquelle est la suspension du saint ciboire, selon le second concile de Tours sub titulo crucis corpus Domini componatur. » À Saint-Ouen de Rouen, « le grand autel est simple, séparé de la muraille avec des rideaux aux côtés, une balustrade de bois, quatre piliers et quatre anges dessus, comme à celui de l’église cathédrale. Au-dessus du retable est la suspension du saint ciboire (au pied de la croix), et les images de saint Pierre et de saint Paul, premiers patrons, entre deux ou trois cierges de chaque côté. Il y a trois lampes ou bassins devant le grand autel avec trois cierges, comme à

  1. On peut encore voir une représentation de cette croix dans le trésor de Saint-Denis, gravé dans l’ouvrage de D. Félibien ; quant au reliquaire de vermeil, les huguenots s’en emparèrent lorsqu’ils prirent Saint-Denis.
  2. Saint-Seine près Dijon. Voyages liturgiques en France, p. 157.