Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 2.djvu/208

Cette page a été validée par deux contributeurs.
[bet]
— 205 —

Cahier[1], est précédé d’un court prologue qui indique parfaitement le but que les compilateurs des bestiaires se proposaient d’atteindre. « Chi commence, dit l’auteur, li livres c’on apèle Bestiaire. Et par ce est il apelés ensi, qu’il parole (parle) des natures des bestes ; car totes les créatures que Dex créa en terre, cria il por home, et por prendre essanple et de foi en eles et de créance. » Du moment qu’il était admis que les animaux de la création avaient été créés pour l’homme et afin que l’étude de leurs mœurs fût pour lui un exemple, on ne doit pas s’étonner si nous voyons sculptés sous les portails des églises, autour des chapiteaux et jusque sur les meubles sacrés, une foule d’animaux destinés à rappeler les vertus que les chrétiens devaient pratiquer ou les vices qu’ils devaient éviter. Au moyen âge, l’homme est le centre de toutes choses sur la terre, et l’Église lui montre sans cesse cette vérité dans les monuments qu’elle élève. Après avoir représenté Dieu, ses rapports avec l’homme, l’histoire de son sacrifice et la hiérarchie céleste, l’Église n’oublie aucun des êtres secondaires, et les fait entrer dans le grand concert de la création. C’est là le signe le plus évident de la tendance des idées du moyen âge vers l’unité, l’ordre, le classement. Tout a sa place dans la création, tout a un but et une fonction, tout se rapporte à l’homme, qui doit compte à Dieu, comme responsable à cause de son intelligence, de toute chose créée pour lui. Ne regardons pas, dans nos monuments, ces sculptures d’animaux, souvent étranges, comme des caprices d’artistes, des bizarreries sans signification ; voyons-y, au contraire, l’unité vers laquelle tendait la pensée du moyen âge, les premiers efforts encyclopédiques des intelligences du XIIIe siècle, les premiers pas de la science moderne dont nous sommes si fiers[2] (voy. Cathédrale, Imagerie).

BÉTON, s. m. C’est une maçonnerie faite de mortier de chaux et sable et de caillou ou de pierres cassées menu. Les Romains ont fait grand usage du béton dans leurs constructions ; ils employaient des chaux bien cuites et bien éteintes, presque toujours hydrauliques, des sables ou pouzzolanes parfaitement purs ; avec ces premiers éléments, ils ne pouvaient manquer de faire du béton excellent (voy. Construction).

Les traditions romaines touchant la construction se conservèrent assez bien jusqu’à l’époque carlovingienne, et on voit encore, dans les constructions antérieures au Xe siècle, des massifs exécutés en béton grossier conservés sans altération. Depuis le Xe siècle jusqu’à la fin de la période ogivale, les constructions élevées en pierre ou en moellon ne laissent guère de place au béton, que l’on ne rencontre que dans les intérieurs des massifs ou dans les

  1. Manusc. de la bibliot. de l’Arsenal, n°283, fol. CCIII.
  2. Nous renvoyons nos lecteurs aux Mélanges archéologiques des RR. PP. Martin et Cahier, pour l’étude détaillée des bestiaires du moyen âge. Cette portion de l’ouvrage des RR. PP. est très-complète et accompagnée de planches nombreuses, copiées sur les manuscrits.