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masses compactes par les portes étroites des défenses construites en maçonnerie ; forcés de passer à la file par ces issues, ils étaient facilement refoulés à l’intérieur. Dans toutes les relations des sièges des XIIe, XIIIe et XIVe siècles, il est sans cesse question de combats aux barrières extérieures des places fortes ; elles sont prises et reprises avec acharnement et souvent en perdant beaucoup de monde, ce qui prouve l’importance de ces défenses avancées. Pour éviter que les assaillants n’y missent le feu, on les couvrait extérieurement, comme les bretèches et les beffrois, de peaux fraîches, et même de boue ou de fumier. On défendait les faubourgs des villes avec de simples barrières, et souvent même les rues de ces faubourgs, en avant des portes. L’attaque devenait alors très-dangereuse, car on garnissait les logis à l’entour de combattants, et les assaillants se trouvaient arrêtés de face et pris de flanc et en revers. Froissart rend compte d’une attaque de ces sortes de barrières, et son récit est trop curieux pour que nous ne donnions pas ce passage tout au long. Le roi d’Angleterre est campé entre Saint-Quentin et Péronne (1339).

« …Or avint ainsi que messire Henri de Flandre, en sa nouvelle chevalerie, et pour son corps avancer et accroître son honneur, se mit un jour en la compagnie et cueillette de plusieurs chevaliers, desquels messire Jean de Hainaut étoit chef, et là étoient le sire de Fauquemont, le sire de Berghes, le sire de Baudresen, le sire de Kuck et plusieurs autres, tant qu’ils étoient bien cinq cents combattans ; et avoient avisé une ville assez près de là, que on appeloit Honnecourt, où la plus grand’partie du pays étoit sur la fiance de la forteresse, et y avoient mis tous leurs biens. Et jà y avoient été messire Arnoul de Blakeben et messire Guillaume de Duvort et leurs routes ; mais rien n’y avoient fait : donc, ainsi que par esramie (promptement), tous ces seigneurs s’étoient cueillis en grand désir de là venir, et faire leur pouvoir de la conquérir. Adonc avoit dedans Honnecourt, un abbé de grand sens et de hardie entreprise, et étoit moult hardi et vaillant homme en armes ; et bien y apparut, car il fit au dehors de la porte de Honnecourt faire et charpenter en grand’hâte une barrière, et mettre et asseoir au travers de la rue ; et y pouvoit avoir, entre l’un banc (banchart) et l’autre, environ demi-pied de creux d’ouverture (c’est-à-dire que les pieux étaient écartés l’un de l’autre d’un demi-pied) ; et puis fit armer tous ses gens et chascun aller es guérites, pourvu de pierres, de chaux, et de telle artillerie qu’il appartient pour là déffendre. Et si très tôt que ces seigneurs vinrent à Honnecourt, ordonnés par bataille, et en grosse route et épaisse de gens d’armes durement, il se mit entre les barrières et la porte de ladite ville, en bon convenant, et fit la porte de la ville ouvrir toute arrière, et montra et fit bien chère manière de défense.

« Là vinrent messire Jean de Hainaut, messire Henri de Flandre, le sire de Fauquemont, le sire de Berghes et les autres, qui se mirent tout à pied et approchèrent ces barrières, qui étoient fortes durement, chacun son glaive en son poing ; et commencèrent à lancer et à jeter grands