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roles, comment le serez-vous des paroles d’autrui ?

Wilhelm écoutait toutes ces choses simples avec une grande attention. La nuit s’avançait dans le ciel. Le prince continua paisiblement :

— Et puis, comte, il faut avoir de la charité, voyez-vous ; la charité, c’est le respect du prochain. En respectant l’homme, même le plus tombé, vous en ferez votre chien, si vous voulez, tant le sentiment de sa noblesse est élevé chez l’homme. Pour arriver à respecter tout homme ayant agi d’une manière révoltante, il n’y qu’à se faire ce dilemme : ou cet homme avait une raison pour commettre tel acte misérable, ou il n’en avait pas. S’il n’en avait pas, c’est un fou qu’il faut plaindre et non juger, ni mépriser ; — s’il en avait une, il est bien évident que moi, doué de raison comme lui, également homme, si j’avais été placé dans les mêmes conditions et circonstances que lui, si j’avais été poussé par les mêmes mobiles que lui, j’aurais fait comme lui, puisqu’il a fait cela d’après une raison. Ne jugez donc jamais l’homme et respectez-le toujours, quoi qu’il ait fait. Jugez seulement l’action, parce qu’il faut bien statuer sur quelque chose pour