Page:Villiers de L’Isle-Adam - Isis, 1862.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle montait bien des rampes dégoûtantes, elle trouvait bon nombre d’horribles tableaux ; à peine son mouchoir imprégné de sels odorants la préservait-il des atmosphères suffocantes et pestiférées. Elle donnait son or et sa science, non point parce que c’était « une bonne action, » mais parce que autant faire cela que le reste, et qu’elle en avait l’occasion.

Elle connaissait trop, sans aucun doute, l’irrémédiable immensité des douleurs, pour penser une minute que, fût-elle apparue à des millions d’êtres dans la seule Europe, cela eût signifié grand’chose. Aussi la question du bien qu’elle faisait n’était que très-accessoire pour elle. De pareilles fantaisies auraient été déplacées probablement, si elles eussent été dictées par ce seul mobile d’un ordre inférieur. L’immense oubli de tout, de son rang, de sa position, des conventions du vêtement féminin, des causeries et des salutations auxquelles se livrent avec dignité les personnes de distinction, pour tuer le temps, enveloppait ces démarches.

Une auréole d’éternité l’éclairait dans toutes ces façons étranges. Souvent elle passait la nuit comme