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seule, à cheval, à courir dans les vallées, et ne s’en retournant au palais que le soir.

Depuis cette nuit extraordinaire ses traits avaient pris l’expression d’une tranquillité de statue : on eût dit que ce n’était point la fatigue qui l’avait fait se lever en sursaut, et que ce n’était pas l’orage qui l’avait pâlie !… Elle paraissait simplement suivre, depuis son réveil, les immenses enchaînements d’une pensée unique.

Un jour elle revint dans la bibliothèque. Elle ouvrit l’un des volumes de magie, et après de longues heures, ayant aligné quelques chiffres sur la marge avec son crayon : — « C’est bien ! » — dit-elle à voix basse, et elle ajouta sourdement : — « J’attendrai. »

Les jours et les nuits se passèrent.

Elle ne perdait pas de vue le monde ; le monde ne pouvait la troubler. Elle assistait assez volontiers aux soirées et aux bals. Elle y tenait son rang superbe.

Elle causait, sans ennui, de choses et de détails usuels et souriait gracieusement au milieu de réparties enjouées. Certes ses brillantes amies et ses