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aux cœurs chastes et solitaires, ces deux promis de l’Espérance, au défi des années, s’attendaient.

Cette disparité de nature entre eux et la plupart des dignes vivants de nos régions, ils ne l’avaient pas constatée au début de la vie. Non. Ces êtres d’au-delà s’étaient refusés longtemps à se rendre — même aux évidences les plus affreuses, ou, les considérant comme passagères, les avaient pardonnées avec une indulgence jamais lassée. Les regards encore éblouis de reflets antérieurs à leurs yeux charnels, comment eussent-ils démêlé, à première vue, de quel enfer foncier se constitue la banalité sociale ! C’est pourquoi leur sensibilité crédule, toute imbue d’angéliques larmes, fut incessamment surprise, alors, et partagea mille mensongères — ou si médiocres « douleurs », que celles-ci étaient indignes d’un tel nom. Longtemps il suffit, autour d’eux, de sembler dans une affliction pour que ces cœurs inextinguibles devinssent réchauffants, — et prodigues ! et consolateurs !… Ah ! se dévouer, s’oublier ! quelle joie d’anges penchés sur ceux que l’on abandonne ! Qu’importe si, le plus souvent, ceux-ci ne daignent se souvenir des « anges » que pour en critiquer, toujours un peu tard, l’humiliante irréalité !

Ainsi rayonna leur charité, ce passe-temps divin des justes, — même sur ces assoiffés d’amusements dont le propre est de témoigner une sorte de rabique aversion au seul ressentir, même obscur, de toutes approches d’âmes souveraines, tant l’idée seule que celles-ci puissent encore exister leur sem-