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un de ses phantasmes, se trouvait seul dans les azurées ténèbres, semées d’étincellements, du salon de cire.

Se frayant passage, sur la pointe du pied, à travers tous ces vagues rois et reines, jusqu’à l’estrade, il en monta lentement les degrés vers la lugubre machine : le carcan de bois faisait face à toute la salle. Redoux ferma les yeux pour mieux se remémorer la scène de jadis, — et de grosses larmes ne tardèrent pas à rouler sur ses joues ! — Il songeait à celles qui furent toute la plaidoirie du vieux Malesherbes, lequel, chargé de la défense de son roi, ne put absolument que fondre en pleurs devant la « Convention nationale ».

— Infortuné monarque, s’écria Redoux en sanglotant, oh ! comme je te comprends ! comme tu dus souffrir ! — Mais on t’avait, dès l’enfance, égaré ! Tu fus la victime d’une nécessité des temps. Comme je te plains, du fond du cœur ! Un père de famille… en comprend un autre !… Ton forfait ne fut que d’être roi… Mais, après tout, moi, je fus bien MAIRE ! (Et le trop compatissant bourgeois, un peu hagard, ajoutait d’une voix hoquetante et avec le geste de soutenir quelqu’un : — Allons, sire, du courage !… Nous sommes tous mortels… Que Votre Majesté daigne…

Puis, regardant la planche et la faisant basculer :

— Dire qu’il s’est allongé là-dessus !… murmurait l’excellent homme. — Oui, nous étions,