Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

droite, une alliance d’or au second doigt, jouait, distraite, entre les cheveux friselés de son « homme », lequel, à ses pieds, appuyait sur les genoux de la jeune femme sa tête franche et joyeuse, et qui riait à son petit.

Autour d’eux, éclairée par la lampe sur une table, leur chambre nuptiale aux murs tendus de gros papier bleu pâle où se détachait le luisant d’une carabine ; près du large lit blanc, — défait, un berceau sous un crucifix ; sur la cheminée, un miroir, et, près d’un réveil, entre des flambeaux de cristal une touffe de genévriers rosés dans une urne d’argile peinte, devant les deux portraits-cartes encadrés de sparterie.

Certes, un paradis, cette demeure ! Ce soir-là surtout ! Car, dans la matinée de ce beau jour envolé, les joyeux aboiements des deux chiens du jeune garde-chef des Eaux et Forêts avaient annoncé un visiteur. — C’était une ordonnance, envoyée par le préfet de la ville, et qui avait remis à Pier Albrun le large tube de fer-blanc, contenant — ô joie profonde ! — la croix d’honneur, ainsi que le brevet et la lettre ministérielle spécifiant les titres et motifs qui avaient décidé la nomination. Ah ! comme il les avait lus, à haute voix, au soleil dans le jardin, les mains tremblantes d’un plaisir fier, à sa chère Ardiane ! « Pour actes de bravoure en divers engagements, durant son service aux tirailleurs algériens, en Afrique ; — pour sa conduite intrépide, comme sergent instructeur aux pompiers du chef-lieu, pendant les incendies successifs qui,