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supposes-tu que tes si clair-voyants espions connaissent, par exemple, l’intérieur de ces grands rochers du sommet desquels tes jeunes condamnés voulurent, hier au soir, se précipiter dans le Gange ? »

Ici, Akëdysséril, arrachant du fourreau son cimeterre qui continua la lueur de ses yeux, s’écria, ne dominant plus son courroux :

— « Insensé barbare ! Pendant que tu prononces toutes ces vaines sentences qui ont tué mes chères victimes, ah ! le fleuve roule, sous les astres, à travers les roseaux, leurs corps innocents !… Eh bien, le Nirvânah t’appelle. Sois donc anéanti ! »

Son arme décrivit un flamboiement dans l’obscurité. Un instant de plus, et l’ascète, séparé par les reins sous l’atteinte robuste du jeune bras, — n’était plus.

Soudain, elle rejeta son arme loin d’elle, et le bruit retentissant de cette chute fit tressaillir encore les ombres du temple.

C’est que — sans même relever les paupières sur l’accusatrice — le pontife sombre avait murmuré, sans dédain, sans terreur et sans orgueil, ce seul mot :

— « Regarde. »

À cette parole s’était écartés les pans du grand voile de l’autel de Sivâ, laissant apercevoir l’intérieur de la caverne que surplombait le dieu.