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LE JEU DES GRÂCES

À Monsieur Victor Wilder


— Oh ! cela n’empêche pas les sentiments !…
Stéphane Mallarmé, Entretiens.


Les feux d’or du soir, au travers de moutonneuses nuées mauves, poudraient d’impalpables pierreries les feuilles d’assez vieux arbres, ainsi que d’automnales roses, à l’entour d’une pelouse encore mouillée d’orage : le jardin s’enfonçait entre les murs tendus de lierre des deux maisons voisines ; une grille aux pointes dorées le séparait de la rue, en ce quartier tranquille de Paris. Les rares passants pouvaient donc entrevoir, au fond de ce jardin, la façade avenante de la demeure, et, dans une pénombre, le perron, surélevé de trois marches, sous sa marquise.

Or, perdues en les lueurs de cette vesprée, sur le gazon, jouaient, au Jeu des Grâces, trois enfants blondes, — oh ! quatorze, douze et dix ans à peine, innocence ! — Eulalie, Bertrande et Cécile Rousselin, quelque peu folâtres en leurs petites robes d’orléans noire. Riant de plaisir, en ce deuil, —