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qui, me semblait-il, passait à travers les interstices des fenêtres, je commençai à le trouver aussi bien étrange : il produisait le bruit d’une sorte de sifflet de bois mouillé.

Ainsi accompagné du battement de l’invisible balancier — et de ce mauvais bruit du vent de mer, — ce lent minuit me paraissait interminable.

Hein ?… Quoi ? — Que se passait-il donc dans l’auberge ? Aux étages d’en haut et dans les chambres avoisinantes, c’étaient des chuchotements, très bas, brefs et haletants, — un va-et-vient de gens qui se rhabillent à la hâte, — et de fortes chaussures de marine sur le plancher : c’étaient des pas précipités de gens qui s’enfuient…

J’étendis la main vers la mulâtresse pour la réveiller. Mais l’enfant était réveillée depuis quelques minutes, car elle saisit ma main avec une force nerveuse qui me causa, magnétiquement, une impression de terreur insurmontable. Et puis, — ah ! voilà, voilà ce qui augmenta, tout de suite, en moi, cette transe froide et me glaça, positivement, de la tête aux pieds ! — et elle voulait (c’était certain), mais ne pouvait parler, parce que j’entendais ses dents claquer dans le noir silence. Sa main, tout son corps, étaient secoués par un tremblement convulsif. Elle savait donc ? Elle reconnaissait donc ce que tout cela signifiait ! — Pour le coup, je me dressai et, pendant que vibrait encore, dans l’éloignement, le dernier son du vieux minuit, je criai de toutes mes forces dans l’obscurité.