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une fortune, vous vous êtes fait entrepreneur de polygamie légale ? Vous faites profession de remarier vos femmes légitimes ?

— Vous semblerait-il préférable que je me fusse fait littérateur ?

— Avant de recourir à cette extrémité nouvelle, ne pouviez-vous solliciter quelque poste honorable ?…

— Merci ! pour me faire plaindre ? Ou pour obtenir, à force de protections, quelque emploi de graisseur de chemins de fer, — aubaine dont le diplôme n’arrive presque toujours qu’après le décès du quémandeur, comme la grâce des quatre sergents de la Rochelle ?… À d’autres ! — Mais vous savez bien, homme sérieux que vous êtes, que ruiner courageusement sa femme, s’installer à demeure chez quelque facile enfant, pousser, d’un élégant doigté, quelque carte bizeautée au cercle, et laisser dire, — bref, demeurer, à tout prix, ce qu’on appelle un homme brillant, — sera toujours mieux porté. Le reste ? Vétilles qui s’excusent ou s’oublient dans la huitaine. Croyez-moi : ne frondons pas l’opinion du monde. À quoi bon s’attirer le sourire des gens d’élite ? Vantons, par bienséance et par devoir, la morale des rêves, que ne pratique personne, soit ! mais conformons-nous à celle qui a cours : les débris des lances qu’a rompues le chevalier de la Triste-Figure sont tombés en poudre, il y a belle lurette, chez tous nos marchands de bric-à-brac. Je plains donc les retardataires endiablés et incorrigibles qui me refuseraient leur estime,