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même capable d’une fantaisie pareille, n’eussé-je pas eu la sagacité de me procurer, du moins, le flagrant délit ? — Laissons cela. D’ailleurs, tenez : dissipons, d’un mot, toutes ces ombres. La profession que j’exerce est incompatible avec ces exagérations d’un autre âge, monsieur : je suis divorceur.

— Plaît-il ?

— Oh ! mais d’un divorceur… à rendre des points au Sénat. — Ici, le devoir étant d’être expansif, je m’explique.

Après six mois d’union (c’est mon chiffre, en général, monsieur), je vous dirai que la vicomtesse et moi, revenus des premiers éblouissements, nous n’étions plus liés que par cette estime affectueuse qui rend si douces les confidences mutuelles. Dans le monde, nous n’accordons pas une excessive importance, voyez-vous, au fait de se prévenir l’un l’autre des inclinations nouvelles que l’on peut éprouver à la longue. Bref, pour vous notifier la véritable situation de notre ménage en trois mots, voici dans quelles conditions convenues nous avions contracté cette alliance. — Bien avant cette hyménée, mon patrimoine s’étant volatilisé, de bonne heure, aux creusets du jeu, des soupers et des femmes, j’avais dû reconnaître au plus noir d’une détresse où pas un ami ne m’eût avancé cinq cents louis, qu’il fallait être, comme on dit, de son siècle. Or, comment vivre dignement ? Noblesse oblige !… Après m’être longtemps posé cette question, je me décidai, pour ne point demeurer oisif, à