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en cette existence d’aumônes, de travail et de cantiques, où la virginité de son être, à travers le pur encens de toutes ses pensées, veillait comme une lampe d’or brûle dans un sanctuaire.

Or, ne nous étant jamais revus depuis les heures de ces vagues rencontres en ce château breton, voici que je la retrouvais, soudainement, ici, à Paris, devant moi, sur cet officiel balcon nocturne — et que son apparition sortait de cette fête !

Oui, c’était bien elle ! Et, maintenant comme autrefois, la douceur des êtres qui tiennent déjà de leur ange caractérisait sa pensive beauté. Elle devait être de vingt-trois à vingt-quatre ans. Une pâleur natale, inondant l’ovale exquis du visage, s’alliait, éclairée par deux rayonnants yeux bleus, à ses noirs bandeaux lustrés, ornés de lilas blancs qui s’épanouissaient avant d’y mourir.

Sa toilette, d’une distinction mystérieuse, et qui lui seyait par cela même, était de soie lamée, d’un noir éteint, brodée d’un fin semis de jais qu’une claire gaze violette voilait de sa sinueuse écharpe.

Une frêle guirlande de lilas blancs ondulait, sur son svelte corsage, de la ceinture à l’épaule : la tiédeur de son être avivait les délicats parfums de cette parure. Son autre main, pendante sur sa robe, tenait un éventail blanc refermé : le très mince fil d’or, qui faisait collier, supportait une petite croix de perles.

Et — comme autrefois ! — je sentais que c’était seulement la transparence de son âme qui me séduisait en cette jeune femme ! Et que toute passionnelle