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défuntes, refusant d’en sortir, étreignant le cercueil et réclamant une inhumation commune. Ces crises, ces tragiques arias, dont gémissaient, tout bas, le bon ordre et les convenances, étaient devenus d’une fréquence telle que les croquemorts ne savaient littéralement plus où donner de la tête, ce qui entraînait des retards, des encombrements, des substitutions, etc.

Cependant, comment interdire ou punir des accès qui, pour déréglés qu’ils fussent, étaient aussi involontaires que respectables ?

Pour obvier, s’il se pouvait, à ces inconvénients étranges, l’on avait fini par s’adresser à la fameuse « Académie libre des Innovateurs à outrance ».

Son président-fondateur, le jeune et austère ingénieur-possibiliste, M. Juste Romain, — (cet esprit progressiste, rectiligne et sans préjugés, dont l’éloge n’est plus à faire) avait répondu, en toute hâte, que l’on aviserait.

Mais les imaginations de ces messieurs se montrant, ici, singulièrement tardigrades, bréhaignes et sans cesse atermoyantes, l’on avait pris, d’urgence, (la Parque n’attendant pas) des mesures quelconques, faute de meilleures.

Ainsi l’on avait mis en œuvre ces engins dont le seul aspect semble vraiment fait pour calmer et refroidir les trop lyriques expansions de regrets chez les cœurs en retard : — par exemple, ces ingénieuses machines, dites funiculaires, (en activité aujourd’hui dans nos cimetières principaux) et grâce auxquelles on nous enterre, présentement, à