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sur le terreau de la rue, — enfin, se hâtant, la voilette sur le minois et tout en fourrures sur velours, avec de menus frissons et les mains au manchonnet, — une jolie passante.

Une très jeune femme… tout simplement Mlle Diane L…, — si ressemblante à notre célèbre Mme T***, que, s’il faut en croire les dires, plusieurs d’entre les enthousiastes de la diva se seraient consolés, aux pieds mignons de ce féminin sosie, des rebelles austérités de l’étoile : en un mot, sa doublure d’amour, artiste aussi. — Pourquoi cette présence, là, ce soir ? — Oh ! de retour, sans doute, de quelque visite brève à sa villégiature quittée, — au sujet, peut-être, de tel objet oublié…. d’une futilité dont l’absence l’avait rendue nerveuse, là-bas, et qu’elle était venue, de Paris même, reprendre… ou elle autre chose de ce genre ; il n’importe.

En peu d’instants elle se trouva proche de l’indigent, qu’elle entrevit à peine, — assez, toutefois, pour qu’en une mélancolie elle tirât, d’un repli de soie perle du manchon, son porte-monnaie, car son petit cœur est aumônieux et compatissant. Du bout de sa main, gantée d’un très foncé violet, elle tendit une pièce de deux francs, en disant d’une voix polie, glacée et musicale :

— Voulez-vous accepter, s’il vous plaît, monsieur ?

À ces ingénues paroles, et tout ébloui de la salubre offrande, le candide pauvre balbutia :

— Madame… c’est que… ce n’est pas deux sous, c’est deux francs !

— Oui, je sais bien ! répondit en souriant, et se