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La tentation, l’on en conviendra, n’était pas banale. Je me levai donc, très intrigué.

Une brève observation de mon guide me fit comprendre que je devais descendre le premier, — la lumière placée, à bout de bras, au-dessus et en avant de ma tête, éclairerait, par ainsi, beaucoup mieux la descente, — « qui ne présentait, d’ailleurs, aucune difficulté », ajouta-t-il.

Silencieusement, nous nous enfonçâmes donc sous terre, lui m’éclairant, de la sorte, à travers d’interminables tournantes marches, moi, tâtant des deux mains les parois des murs. À la quarante-deuxième marche, comme j’allais demander combien il en restait encore à descendre avant la « surprise », une forte main s’abattit sur mon épaule. En même temps s’allongeait le bras tenant la lanterne au-devant de mon front, et j’entendis mon guide me dire, à l’oreille, en un murmure assez analogue au rauquement d’un ours :

— Hein ?… Regardez-moi ça, m’sieur ?

Ô subit panorama, tenant du rêve ! Je voyais se prolonger, — presque à perte de vue, — au-devant de moi, de très hautes voûtes souterraines, aux stalactites scintillantes, aux profondeurs qui renvoyaient, avec mille réfractions de diamants, en des jeux merveilleux, les lueurs, devenues d’or, de la lanterne sourde : et, s’étendant à mes pieds, sous ces voûtes, une sorte de lac immense d’un bleu très sombre, où ces mêmes lueurs tremblaient, illusions d’étoiles ! — une eau claire, polie, dormante, à reflets d’acier, où se réfléchissaient dé-